Banque mondiale – Tunisie – Services publics : Plus que d’une approche participative, une culture citoyenne

Le Premier ministère tunisien ainsi que la Banque mondiale ont tenu, mardi 16 avril 2013, une table ronde autour des résultats d’une enquête sur la gouvernance des services publics en Tunisie. Il s’agissait d’évaluer à l’échelle nationale les mécanismes de participation des simples citoyens dans la gestion des services publics dont l’efficience impose une grande concertation entre les acteurs publics et privés.

La circulaire relative au suivi participatif des services publics, adoptée par le gouvernement en 2011 dans le cadre du Programme d’Appui à la Relance économique (PARE) a été au centre des discussions entre les différents participants.

Les résultats de la plateforme d’évaluation citoyenne pilote, créée par le Premier ministère (http://www.consultations-publiques.tn), ont été débattus afin de généraliser le process sur l’ensemble des autres administrations.

«Cette démarche est un préalable pour la bonne gouvernance, la transparence et un véritable “open-gouvernement“, a indiqué Eileen Murray, représentante résidente de la Banque mondiale en Tunisie, dans son intervention à la table ronde. Mais un large effort sera nécessaire pour atteindre l’objectif clé de cette politique, avec des résultats réguliers, au niveau local et l’implication de la société civile».

Selon Heba Elgazzar, économiste senior à la Banque mondiale, «les mécanismes de suivi et de réforme participative des services publics doivent être appliqués de manière continue, afin que les responsable des services aux citoyens soient comptables des résultats. Dans ce sens, en adoptant la Circulaire du Suivi Participatif, la Tunisie est devenue le premier pays de la région du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord à se doter d’une politique officielle sur la performance des services publics. Pour cela, la mise en œuvre de cette politique est cruciale».

Cruciale, elle l’est, car il n’est pas dit que les mécanismes de contrôle entrepris par le gouvernement pour de meilleures prestations et une gouvernance irréprochable soient des plus efficaces. Il suffit de le voir dans l’exercice quotidien des administrations publiques dans tous les départements. Les citoyens, eux, n’arrêtent pas de se plaindre, à propos des prestations qui laissent à désirer et de l’incapacité des administrations centrales à faire preuve d’autorité, mettre de l’ordre dans leurs services, faire en sorte que les instructions soient suivies ou même faire respecter les horaires de travail au sein d’administrations devenues anarchiques à force de laisser aller. Des fonctionnaires qui ne sont pas à leurs postes de travail, qui entrent et sortent à leur guise à tel point qu’il est devenu un véritable parcours de combattants que d’avoir un passeport, une CIN, des certificats de naissance et on en passe… Les hauts responsables, eux, ont l’esprit tourné ailleurs.

Le diagnostic établi par la consultation publique à laquelle ont participé 60604 citoyens est loin d’être rassurant. Et ce sont les communes et mairies dont les services sont les plus contestés par le public, suivies par la CNAM, les hôpitaux, les services de la poste nationale, les postes de police, la trésorerie nationale, la STEG, la SONEDE (Voir graphique) et les administrations toutes catégories confondues. C’est dire que tous les services publics ont fait une marche arrière inquiétante ces deux dernières années.

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D’où la nécessité de rendre des comptes, d’après la Banque mondiale. Mais à qui? Aux citoyens pour qu’ils s’investissent dans une optique plus participative? Les doléances des organisations de la société civile sont pratiquement et systématiquement ignorées car on les accuserait toutes de mettre des bâtons dans les roues et critiquer injustement les «performances» gouvernementales.

Car finalement, il ne s’agit pas comme le penseraient décideurs ou concepteurs de la Banque mondiale de citoyens qui s’expriment ou des pouvoirs publics qui devraient être à leur écoute. Il s’agit d’instaurer une culture dans laquelle le citoyen qui se serait acquitté de ses devoirs estimerait de son droit d’avoir les meilleures prestations qui soient, et d’administrations convaincues d’être au service des citoyens desquelles dépend leur survie. Tout comme il s’agit d’avoir en face de soi des hauts commis de l’Etat persuadés que le progrès et le développement du pays dépendent de leurs capacités à réussir leurs missions sans autre forme d’allégeance que pour la patrie et le peuple, et de la nécessité de rendre compte de toute décision et de tout acte engageant la communauté. A ce jour, c’est un jargon inconnu, méconnu et ignoré dans la Tunisie postrévolutionnaire car on ne se rend pas compte que plus que d’une approche participative, il s’agit d’une culture citoyenne qui exige du temps et de l’apprentissage.