Nous avons vu dans une première partie de l’exposé relatif au livre de Mounir Sahli «Révolutionner le tourisme tunisien» les erreurs du passé qui nous ont conduits à la crise actuelle du tourisme tunisien. Dans cette seconde partie, nous allons présenter les aspects concernant le tourisme local qui n’est ni un «palliatif» ni encore une «alternative» au tourisme destiné aux étrangers. Il consiste tout simplement en un tourisme «spécifique»
Réconcilier le Tunisien avec le secteur touristique. L’appel est net, clair et précis de la part de Mounir Sahli qui note que ce secteur peut beaucoup promettre si l’on se permet de le sauver du marasme dans lequel il se trouve.
Car –et Mounir Sahli le dit clairement- il existe une «fracture» entre le Tunisien et les professionnels du tourisme. Pourquoi? Parce que ces derniers ont participé pour faire du tourisme national –entendez le tourisme dirigé vers la clientèle locale- un tourisme «palliatif» et un tourisme «alternatif».
Les hôtels et les hôteliers tunisiens n’ont pas toujours bonne presse auprès des Tunisiens. Ils ont, selon beaucoup de Tunisiens, bien profité des aides et autres encouragements de l’Etat qui leur a accordé des aides fiscales, des crédits et des terrains viabilisés qui sont aujourd’hui des belles réserves foncières.
Bien plus, certains hôteliers ont longtemps constitué des lobbys importants imposant leur loi à l’administration du tourisme. Comme ils ont souvent affiché leurs richesses alors que certains du moins d’entre eux ont alourdi la masse des crédits non honorés de certaines banques. Encore: certains ont été des donateurs des campagnes électorales du président déchu qu’ils ont appuyé et soutenu.
«Des découpages sur-mesure»
Evoquant la collaboration de l’AFT (Agence Foncière Touristique) avec des privées en matière d’aménagement touristique, Mounir Sahli n’ira pas de main morte, n’hésitant pas à parler d’«association de malfaiteurs». Il parle de «découpage sur-mesure» qui a privé les Tunisiens d’une partie de la façade maritime confiée aux hôteliers et parquant les citoyens dans des plages dites «publiques».
La question n’est pas toutefois là: le Tunisien se doit de se réconcilier avec son tourisme. C’est inévitable. Le Tunisien doit accepter l’existence de ce secteur et veiller à son développement. Et rien ne vaut, dans ce contexte, une démarche réfléchie de la part des professionnels pour aller à la rencontre du Tunisien pour le convaincre de cette évidence.
Revenant sur le tourisme local, Mounir Sahli insiste pour dire que ce tourisme est vital pour l’activité touristique, mais qu’il est «spécifique» : le Tunisien ne s’accommode pas de l’offre classique proposée.
Et l’auteur de recommander d’aller vers, entre autres, des résidences de tourisme adaptées au vécu du Tunisien. Comme les «Appart’hôtels», «des chambres et appartements meublés offerts à la journée, à la semaine ou encore au mois» bénéficiant de services comme «le petit-déjeuner, l’entretien des chambres et le linge de toilettes».
Mounir Sahli propose de recycler une partie des hôtels dans cette niche. Comme il pense que certains établissements hôteliers peuvent devenir des «cités médicales» intégrant complexes médicaux et lieux d’hébergement ou encore des cliniques privées et des foyers universitaires.
Mais cet effort de restructuration doit être accompagné par un autre effort pour venir en aide à l’hôtelier. Mounir Sahli pointe notamment du doigt la pression fiscale qui ne favorise pas une gestion saine des établissements hôteliers tunisiens. Ces derniers subissent la pire pression fiscale du pourtour méditerranéen. La TVA est de 12% en Tunisie alors qu’elle est de 10% en Espagne et au Maroc, de 8% en Turquie et de 7% en France.
Ne faut-il pas, par ailleurs, ne pas faire la TFP (Taxe sur la Formation Professionnelle) (2% sur la masse salariale) aux hôteliers lorsqu’on sait que ces derniers procèdent à une formation sur le tas pour leurs employés?
Détournement d’une partie des fonds
Ne faut-il pas également ne pas faire payer la taxe du FOPROLOS (Fonds de Promotion du Logement pour les Salariés) (2%) lorsqu’on sait que les hôteliers logent leur personnel et prennent en charge une partie de leurs frais de logement? Quand on additionne la TVA avec la taxe hôtelière, les hôteliers se doivent payer 15,7% sur leurs revenus. Et Mounir Sahli d’appeler à une nouvelle politique sociale pour les hôteliers et les professionnels du tourisme tunisien.
Côté entreprises touristiques en difficulté, Mounir Sahli suggère, outre la restructuration de l’hébergement, l’assainissement financier. Ajoutant, à ce chapitre, que certains établissements et hôtels sont compromis avant même de rentre en exploitation du fait de la crise. Mais aussi –et Mounir Sahli ne le cache pas- du détournement d’une partie des fonds destinés à l’investissement.
Mais comment pouvoir sortir de la crise? Mouni Sahli y va d’une batterie de recommandations. Dont l’enrichissement et la diversification de l’offre, gagner la bataille de la qualité, réformer l’environnement touristique et révolutionner le marketing qui n’a que trop souffert du diktat des TO.
Nous y reviendrons dans la troisième et dernière partie de cette série.