Contre les coups bas entre entreprises, la médiation comme “médecine douce”

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édiateur inter-entreprises Pierre Pelouzet à Paris, le 5 décembre 2012 (Photo : Francois Guillot)

[20/04/2013 08:00:11] PARIS (AFP) Il appelle ça “le musée des horreurs”. Nouveau médiateur inter-entreprises, Pierre Pelouzet, intarissable sur les artifices créés par les sociétés pour “jouer les unes contre les autres”, veut “faire la révolution en douceur” en asseyant tout le monde autour d’un table.

“Tous les moyens sont bons, on observe une certaine créativité”, soupire cet homme dynamique et sûr de lui, ex-directeur des achats à la SNCF, en énumérant les manoeuvres.

Depuis la création de la médiation inter-entreprises en 2010, 8 litiges sur 10 ont été résolus par la discussion, beaucoup moins onéreuse qu’une procédure devant le tribunal de commerce, rappelle-t-il.

Il existe en France un en-cours inter-entreprises de 11 à 13 milliards d’euros, détaille Pierre Pelouzet à l’AFP, “c’est considérable à l’heure où on essaie d’insuffler des milliards dans l’économie”. Cet en-cours est la traduction des retards de paiement, le plus souvent d’une grande entreprise vers une plus petite.

Concrètement, l’écart de trésorerie peut être tel qu’une PME est contrainte de déposer le bilan faute d’avoir été payée à l’heure.

Une facture jugée “non conforme” renvoyée au sous-traitant, un centre de paiement à l’étranger, une panne informatique opportune: la liste est longue des subterfuges des donneurs d’ordre pour ne pas payer leurs fournisseurs à temps.

Dans le bâtiment, la pirouette est connue: pour payer la société qui a réalisé les travaux, il faut que le maître d’oeuvre les approuve. Ne reste qu’à retarder aussi longtemps que voulu la venue du maître d’oeuvre sur le chantier.

M. Pelouzet, nommé en novembre par le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, a même reçu récemment deux messages racontant comment un donneur d’ordre avait tenté d’imposer une réduction générale des prix à son fournisseur au motif que celui-ci allait bientôt profiter du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

“Racket”

“C’est fascinant ! Le gouvernement met de l’argent pour aider les PME: +faites remonter ça tout de suite+, disent les entreprises”, commente le médiateur qui parle de “racket”.

Bien sûr, “il existe un rapport de force entre les entreprises”, schématiquement une dépendance des petites face aux grandes, mais “en général, la PME n’oppose pas de résistance” pour conserver la possibilité de prochains contrats avec le donneur d’ordre, se désespère-t-il.

“Soit le client ne paye pas, soit la banque ne prête pas et au bout du compte, un quart des faillites d’entreprises sont liées à un défaut de trésorerie”, rappelle-t-il.

Le retard de paiement n’est pas le seul artifice: faire plancher pendant des mois de petites sociétés innovantes sur une idée pour en confier finalement la mise en oeuvre à une autre, moins chère, est un phénomène courant. Les créateurs originels ne sont jamais payés et mettent trop souvent la clé sous la porte.

Egalement en vogue, la règle de l'”autofacturation”: c’est le donneur d’ordre lui-même qui établit la facture qu’il réglera à son sous-traitant. Pour conserver son contrat et ceux à venir, ce dernier accepte de payer le logiciel adéquat sous le prétexte de “simplifier la procédure”. En réalité, c’est bien le donneur d’ordre qui décide des modalités de paiement.

Dans ce maquis, la médiation a pour but de rappeler que “ce sont des comportements qu’on n’utiliserait jamais dans sa vie privée”.

Ne pas rémunérer une start-up pour une idée, “c’est du vol”, insiste-t-il.

Lorsque les protagonistes sont réunis dans la même pièce, en présence d’un des 40 médiateurs inter-entreprises, “en général, la première heure, ce sont des insultes”, explique M. Pelouzet. Chacun explique son point de vue au médiateur sans jeter un regard à l’autre puis, “les choses sont exposées telles qu’elles se sont vraiment passées et là, les gens comprennent qu’à un moment, ils ont perdu leur bon sens”.

Pour lui la médiation agit comme “une médecine douce”, qui permet de ne pas se crisper autour d’un interminable contentieux juridique. En moyenne, un litige est ainsi résolu en trois mois et souvent, soutient-il, les deux entreprises “travaillent mieux ensemble” par la suite.