Un bidonville de Kampala (Photo : Michele Sibiloni) |
[20/04/2013 08:47:09] JOHANNESBURG (AFP) La plupart des pays africains ont beau afficher des taux de croissance à faire pâlir d’envie bien des économies développées, leur dynamisme n’a pas permis ces dernières années de faire reculer la pauvreté de façon significative, selon des économistes.
L’Afrique subsaharienne devrait connaître une croissance de 5,6% en 2013, selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI) publiées mardi.
Dix-huit pays de la zone afficheront une croissance d’au moins 6%, deux seulement étant en récession (Guinée équatoriale et Swaziland), tandis que l’Afrique du Sud, première économie du continent, peine à décoller avec seulement 2,8% de prévu.
“La performance généralement forte s’appuie en grande partie sur la poursuite des investissements dans les infrastructures et la capacité de production, une consommation toujours robuste et l’activation de nouvelles capacités dans les secteurs extractifs”, résume le FMI, qui prévoit une croissance de 6,1% en Afrique sub-saharienne l’an prochain grâce notamment au réveil de l’Afrique du Sud.
Les investissements directs étrangers, notamment, ont encore augmenté de 5,5% en Afrique subsaharienne en 2012 –portés surtout par les cours élevés des matières premières–, alors qu’il reculaient de 6,6% dans l’ensemble des pays en développement, relève la Banque mondiale, qui confirme que les perspectives économiques restent “fortes” dans la région.
Les investissements –privés et publics, locaux et étrangers– y restent encore bien modestes comparés au produit intérieur brut, “à des niveaux observés en Chine au début des années 1960 ou en Inde au début des années 1980, avant leur essor économique, ce qui suggère de nouvelles possibilités d’expansion en améliorant la productivité des investissements dans la région”.
Et si le secteur minier domine, les investissements progressent dans les services, notamment dans les pays dont la classe moyenne est en pleine croissance comme au Nigeria, en Afrique du Sud, au Kenya et au Ghana, note la Banque. La consommation des ménages représente plus de 60% du PIB de la zone, rappelle-t-elle.
à Johannesburg (Photo : Alexander Joe) |
Plus de quatre cent millions de pauvres
“Cela peut surprendre, mais la croissance n’est pas alimentée par les matières premières mais par un marché de consommateurs en expansion”, a résumé un cabinet McKinsey très afro-optimiste dans une récente note de conjoncture, notant que “les télécommunications, les banques, et le commerce de détail prospèrent, les BTP sont en plein boom”…
La population de l’Afrique, qui croît le plus rapidement, est la plus jeune du monde. Elle est concentrée dans les zones urbaines. Cette nouvelle classe de consommateurs a une famille réduite, est mieux éduquée et gagne plus, elle est connectée. Les Africains sont extrêmement optimistes quant à leur avenir économique”, écrit-il.
Cependant, si plus d’une décennie de forte croissance a contribué à faire reculer la pauvreté en Afrique, “cela ne suffit pas”, juge la Banque mondiale.
“Il existe des contrastes considérables (…), la pauvreté baissant à un rythme plus lent (malgré une croissance plus rapide) dans les pays riches en ressources naturelles”, souligne-t-elle.
“La croissance économique a beaucoup moins réduit la pauvreté (en Afrique subsaharienne) que dans le reste du monde”, insiste-t-elle: le tiers des habitants du monde en situation d’extrême pauvreté –avec moins de 1,25 dollar par jour– y sont actuellement concentrés, contre 11% il y a trente ans. Soit plus de 400 millions de personnes.
“Le taux de pauvreté ne diminue pas au même rythme que l’augmentation du taux de croissance”, confirme Soren Ambrose, économiste de l’ONG Action Aid basé à Nairobi.
“On a fait des conditions attractives aux compagnies minières étrangères: ces entreprises viennent faire leurs affaires, si bien que les taux de croissance sont en hausse, mais il n’y a pas grand chose qui reste sur place”, explique-t-il.
S’il ne les a pas directement citées, on ne peut s’empêcher de penser aux entreprises chinoises, très présentes en Afrique ces dernières années tant dans l’exploitation des matières premières que dans la construction, où elles amènent souvent leur propre main d’oeuvre.
“Le taux de diminution de la pauvreté est trop faible. Il faut donc accélérer la redistribution des richesses minérales aux citoyens pauvres et promouvoir l’agriculture”, estime Shanta Devarajan, chef économiste de la Banque mondiale pour l’Afrique, ajoutant qu’il faut réinvestir ces richesses dans la santé, l’éducation et l’emploi.
Et si la classe moyenne est effectivement en plein essor, il manque une véritable classe ouvrière au tissu social africain, regrette Soren Ambrose. La plupart de ceux qui ne font pas partie de la classe moyenne –à l’exception bien sûr des élites– restent désespérément pauvres.