ésident de la banque centrale américaine (Fed), Ben Bernanke (C) au sommet du G20 à Washington, le 19 avril 2013 (Photo : Nicholas Kamm) |
[20/04/2013 08:55:18] WASHINGTON (AFP) Quatre ans après une première offensive, le nouveau coup porté au secret bancaire par les pays du G20 pourrait sonner le glas de l’évasion fiscale à condition de surmonter quantité d’obstacles politiques et techniques, selon des experts interrogés par l’AFP.
“C’est un changement de braquet très important, un saut qualitatif qui signe le retour du politique”, se félicite Pascal Saint-Amans, en charge de la lutte contre les paradis fiscaux à l’Organisation de développement et de coopération économiques (OCDE).
Réunis vendredi à Washington, les ministres des Finances du G20, qui regroupe les principaux pays développés et émergents, sont tombés d’accord sur une mesure aux apparences purement techniques mais aux conséquences inédites.
Dans leur communiqué final, ils ont “exhorté” la communauté internationale à adopter “l’échange automatique d’informations” bancaires et à en faire le nouveau “standard” international de la lutte contre l’évasion fiscale.
En clair, les pays seraient automatiquement informés dès qu’un de leurs ressortissants dépose de l’argent à l’étranger, en rupture radicale avec le système actuel.
Aujourd’hui, les demandes d’informations, quand elles sont prévues par un traité bilatéral, doivent être extrêmement détaillées et préciser par exemple le nom du déposant ou de la banque.
“Le seul moyen de s’attaquer efficacement à l’évasion fiscale est d’avoir ce mécanisme mondial permettant d’éviter cette relation d’un pays à un autre, qui est un nivellement par le bas”, juge Eric Lecompte, un des dirigeants du réseau associatif américain Jubilee USA, qui milite pour l’effacement de la dette.
à Washington (Photo : Nicholas Kamm) |
Réclamée depuis plusieurs années par les ONG, l’échange automatique est désormais dans l’air du temps. Lourdement endettés, les pays riches lorgnent sur la manne de l’évasion fiscale des particuliers, évaluée par certaines ONG à 25.500 milliards de dollars.
“Résistance” de la Chine
Sous la pression des Etats-Unis, pionniers sur le sujet, un groupe de pays européens, dont la France et l’Allemagne, vient d’appeler à généraliser ce mécanisme et a réussi à convaincre la puissante place financière du Luxembourg.
La patronne du FMI, Christine Lagarde, s’est déclaré jeudi, “à titre personnel”, favorable à la fin du secret bancaire.
“En 2009, on a fait une brèche dans le secret bancaire mais aujourd’hui, avec la force politique du G20, c’est le barrage qui est en train de céder”, estime Pascal Saint-Amans.
à Washington (Photo : Nicholas Kamm) |
Le processus s’annonce toutefois ardu. Un échange automatique au niveau international requiert des trésors de logistique et un patient travail de définition des données dont l’OCDE a été chargé.
Mais ce n’est pas le seul obstacle.
“La lenteur c’est un peu le problème de ce que tout le G20 décide. Et il se pourrait que certains pays se mettent à traîner des pieds”, prévient Eric Lecompte.
Pendant les négociations à Washington, la Chine a déjà fait de la “résistance” et ralenti les discussions, a indiqué à l’AFP une source proche du dossier.
Selon d’autres associations, c’est la portée même de cette annonce qu’il faut relativiser. Privés des moyens logistiques adéquats, les pays pauvres n’ont pas les moyens de passer à l’échange automatique et pourraient rester sur le bord du chemin.
“C’est un pas important pas mais il doit être étendu aux pays en développement victimes d’une fuite des capitaux qu’ils ne sont pas en mesure de taxer”, estime James Henry, de l’organisation Tax Justice Network.
Alors que la mort du secret bancaire a déjà été maintes fois annoncée, M. Henry assure qu’il “reste encore beaucoup à faire” et s’en remet à une citation de Winston Churchill pour résumer son diagnostic: “Ce n’est pas la fin ni même le commencement de la fin mais cela pourrait être la fin du commencement”.