ès de Prague, le 20 avril 2013 (Photo : Michal Cizek) |
[23/04/2013 09:26:10] PRAGUE (AFP) Confrontés à la récession depuis 2011, les Tchèques sont de plus en plus nombreux à ressentir des difficultés à payer leurs dettes, après s’être laissés facilement séduire durant les années fastes par une kyrielle d’offres alléchantes de crédits.
Ainsi, les affaires n’ont-elles jamais aussi bien marché dans ce pays pour les huissiers de justice et les agences de recouvrement, rivalisant d’imagination pour la promotion de leurs services.
Environ 2,9 millions des Tchèques, soit un sur quatre, ont eu un emprunt au cours de l’année dernière, selon les chiffres officiels.
“La dette est de plus en plus présente dans l’économie tchèque qui s’approche à cet égard de l’Europe occidentale”, constate David Marek, analyste en chef de la société financière Patria Finance.
Avec le passage à l’économie de marché ayant suivi la chute du système communiste, les Tchèques ont rapidement découvert le charme des étagères bourrées de produits occidentaux, encore dopé par une publicité massive et une large gamme de prêts bon marché.
Les crédits ont surtout commencé à être attrayants au moment où la banque centrale CNB a réduit en 1998 son principal taux directeur sous la barre psychologique de 10%.
Des prêts pour aller aux Maldives
Cinq ans plus tard, ce taux se situait déjà à 2%. Combinée à une croissance économique et un taux de chômage plutôt faible, cette situation a préparé le terrain pour un véritable boom de crédits.
“Les gens ont bientôt appris à profiter des prêts pour acheter n’importe quoi: les cadeaux de Noël aussi bien que les séjours de vacances”, constate Tomas Vrana, avocat et fondateur de l’une des principales sociétés d’huissiers de justice tchèque, Exekuce.cz.
“Il y en a qui prennent très facilement des prêts pour aller aux Maldives, sans se rendre compte de ce qu’ils risquent de perdre”, ajoute-il.
Entre 1993 et 2003, le montant total des emprunts des ménages a bondi de 84,5 milliards de couronnes (3,27 milliards d’euros) à 195,7 milliards CZK (7,57 milliards d’euros).
ès de Prague, le 20 avril 2013 (Photo : Michal Cizek) |
En 2012, alors que le pays était en récession depuis un an et le chômage flambait, ce chiffre a atteint déjà 53 milliards d’euros.
Les problèmes ne se sont pas fait attendre. “La probabilité que le nouveau client rencontre des ennuis est aujourd’hui plus élevée que l’année dernière”, constate Radek Zenka, en charge des prêts de consommation à la GE Money Bank.
Le taux de défaut dépasse 10%
Fortement dépendante de l’industrie automobile et des exportations, l’économie tchèque s’est contractée de 1,3% l’an dernier. La CNB table sur la poursuite de la récession en 2013 (-0,3%), avant une reprise de la croissance à 2,1% l’année suivant.
“Les emprunteurs sont aujourd’hui plus que jamais des gens qui se retrouvent facilement en difficulté”, estime l’analyste Pavel Mertlik, ancien ministre des Finances.
Le taux de défaut de paiement des prêts à la consommation a dépassé 10% l’an dernier, obligeant les prêteurs, plus vigilants, à augmenter le coût de leurs crédits.
Le taux commercial moyen a déjà grimpé à plus de 15%, alors que le principal taux directeur de la CNB est à 0,05%, son niveau le plus bas depuis l’indépendance du pays en 1993.
“Les gens prennent un prêt, puis un autre pour rembourser le premier. Ils ne se rendent pas compte qu’un tourbillon fatal s’ouvre ainsi devant eux qui finira inévitablement par les engloutir”, constate M. Vrana.
èque Sigma Olomouc avec sur leur maillot le logo Exekuce.cz, en mai 2012 (Photo : Michal Cizek) |
Le nom de la société d’huissiers de M. Vrana est largement connu à travers le pays. Non seulement de ses clients mais aussi des visiteurs des stades de football: elle parraine l’éminent club local, Sigma Olomouc.
Depuis cinq ans, les supporters de ce club doivent s’habituer, bon gré, mal gré, au logo Exekuce.cz figurant sur le dos des maillots des joueurs de leur équipe favorite.
Au début, les fans n’ont pas été très contents, le stade de football étant surtout, selon eux, un lieu de détente où ils veulent penser à tout sauf à leurs malheurs financiers.
“Ils ont certes un peu rouspété”, admet M. Vrana, s’empressant d’ajouter que la plupart s’y sont déjà habitués.