Rompre la glace avec les représentants des médias et couper avec une stigmatisation de la communauté d’affaires qui n’a que trop duré. C’est, en partie, l’objet du petit déjeuner informel organisé mercredi 24 avril 2013 au siège du patronat.
«Cette rencontre est la première d’une série de rencontres que nous comptons organiser avec la presse nationale. Une tradition que nous voulons instaurer en vue de mieux ressortir le rôle des opérateurs privés dans le développement économique du pays. On nous a toujours reprochés d’être absents dès qu’il s’agit de grandes décisions engageant l’économie nationale. Il n’en est rien dans la réalité. Nous avons été associés à l’élaboration du nouveau Code d’investissements et nos propositions ont été prises en considération. Nous avons également convenu avec l’Etat d’être systématiquement associés à tout ce qui se rapporte à l’économie nationale et il s’est engagé dans ce sens», a déclaré Wided Bouchamaoui, présidente de l’UTICA dans son mot de bienvenue.
Elle a déploré, à l’occasion, l’image véhiculée par les médias et dans la société tunisienne des hommes d’affaires, une appellation qui devrait plus évoluer vers «créateurs de richesses, chefs d’entreprise, investisseurs ou employeurs». Depuis le 14 janvier 2011, les campagnes de diabolisation des hommes d’affaires n’ont pas cessé, elles atteignent en plein cœur l’appareil productif du pays, ce qui ne rend pas service à une Tunisie qui a besoin de toutes ses composantes sociales pour remonter la pente et se remettre debout. «Nous sommes tous responsables de notre pays et je tiens à rappeler, à ceux qui refusent de le reconnaître, que la Tunisie ne s’est pas faite en un seul jour et que nous avons participé à sa construction et à l’édification de son économie. Au lieu de s’attaquer aux créateurs de richesses, il faudrait peut-être dénoncer les artisans d’une économie parallèle destructrice et dévastatrice pour le pays», a dénoncé la présidente de l’UTICA.
Ce à quoi a vivement réagi Moncef Ben Mrad, fondateur d’Akhbar Al Joumhouria, reprochant à l’UTICA sa trop grande passivité face à toutes les provocations et les campagnes de dénigrement dont les opérateurs privés font l’objet depuis plus deux années: «Votre présence est trop timide dans les médias. Vous devriez commencer par être plus agressifs en développant vos relations avec tous les supports des médias, qu’il s’agisse d’audiovisuel, de presse écrite ou électronique. L’UTICA se doit d’assumer et d’assurer un rôle social dans les zones déshéritées de la Tunisie. Offrir 10 ordinateurs à une école dans un petit village ne coûte rien au patronat, par contre cela sert son image de marque. Il faut également que vous dénonciez les abus quand il y a risque sur la survie de vos entreprises, des bravades gratuites ou des médisances sur des groupes ou opérateurs économiques».
Le droit et la liberté de travail doivent être constitutionnalisés, a relevé Wided Bouchammaoui, appuyée par Habib Tastouri, membre du bureau exécutif, indigné par la situation actuelle de la communauté d’affaires. «Je suis choqué lorsque j’entends parler des opérateurs privés comme s’ils étaient des rapaces assoiffés de gains et indifférents au sort de leurs employés. Je suis aussi concerné par mes intérêts que par ceux que j’emploie. Mais je tiens à rappeler que ce n’est pas un choix aisé que celui de monter sa propre affaire au risque d’hypothéquer ses biens, de s’endetter auprès des banques pour qu’ensuite vous trouviez aux portes d’une entreprise des personnes qui les ferment par des chaînes et empêchent les travailleurs d’y accéder. Inadmissible d’autant plus que j’estime que derrière nombre de ces mouvements de protestations qui font du tort à l’économique, il y a des agendas politiques. Comment rester insensibles lorsqu’à El Mghira, une entreprise d’aéronautique, qui pense d’ailleurs à quitter la Tunisie, et qui produisait des pièces pour 40 Airbus, réduise sa production aux nécessités de seulement 12 Airbus à cause des perturbations sociales et des revendications exagérées?»
La valeur du travail est devenue absente du lexique tunisien, le vécu de larges pans de la population, la cherté de la vie et une absence remarquée et remarquable de l’Etat font que le respect de l’ordre, de la loi, la discipline et l’engagement citoyen n’existent plus. «Un petit exemple pour illustrer la décadence par laquelle passe le pays et les conditions dans lesquelles nous travaillons. Je viens de recevoir des partenaires étrangères complètement ébahis par l’état des choses dans notre pays. Arrivés hier à l’aéroport Tunis-Carthage, ils sont accueillis par des altercations de chauffeurs de taxis devant l’aéroport. L’un d’eux exige de la dame qu’il a accompagnée dans un hôtel de la banlieue Nord 50 €. Pour arriver jusqu’au siège de mon entreprise ce matin, les opérateurs étrangers ont été “édifiés“ par l’état des routes défoncées, les déversements de résidus, des rues transformées en décharges publiques et un environnement indigne d’une Tunisie qui s’est construite une réputation avantageuse sur des décennies. Et dans tout cela, nous essayons de garder nos entreprises et de gagner de nouveaux marchés. Notre situation n’est pas des plus enviables, je vous le promets», a indiqué Nafaa Ennaifer, président de la commission économique.
Hichem Elloumi, vice-président de l’UTICA, a pour sa part reconnu les insuffisances de l’organisation en matière de communication et de coaching communicationnel. Il a toutefois affirmé que l’organisation n’est pas dans l’attentisme et qu’elle est présente sur le terrain. Elle négocie avec les opérateurs étrangers qui ne saisissent pas les dimensions sociales de l’évolution des choses aujourd’hui en Tunisie, elle discute et solutionne. «Nous essayons de cadrer les dirigeants étrangers, de les conseiller et des les coacher pour améliorer leurs relations avec leurs employés tunisiens. Des fois, nous leur conseillons même le choix de leurs dirigeants locaux pour faciliter la gestion des personnels et des relations avec les syndicats. Nous sommes soucieux de préserver la santé économique du pays. Les chiffres sont alarmants, il y a une baisse de 20% des intentions des investissements locaux et un recul préoccupant des IDE dans le secteur industriel durant les trois premiers mois de l’année».
Le petit déjeuner, organisé mercredi 24 avril 2013 à l’UTICA, a surtout permis de transmettre des messages importants à la presse nationale, à savoir le refus de la communauté d’affaires d’être la victime du racket politique, sa volonté de valoriser son image et de sensibiliser l’opinion publique nationale à l’importance de son rôle et de sa mission dans le développement économique et l’amélioration du bien-être social et sa prédisposition à être une partie prenante dans tout ce qui concerne les décisions économiques en Tunisie: «Il est évident que le rôle de l’Etat est important et que la visibilité politique conjuguée à des décisions courageuses de la part des décideurs publics pourraient améliorer nettement le contexte tunisien actuel et faire sortir le pays du marasme dans lequel il se débat», a conclu Wided Bouchamaoui.