Le système Ponzi, vous connaissez? C’est un montage financier frauduleux qui consiste à rémunérer les investissements des clients essentiellement par les fonds procurés par les nouveaux entrants. Ce système a été celui dont a usé le célèbre escroc américain Bernard Madoff dont le stratagème fut mis a nu suite à la crise financière ; il croupit aujourd’hui en prison de haute sécurité aux Etats-Unis.
Est-ce le procédé dont use aujourd’hui l’agence de placement Yosr Développement, dirigée par un certain A.D, dans un bureau ayant pignon sur rue au Centre Galaxie de Lafayette à Tunis? Au départ, modestes, les sommes déposées ou «placées» chez Yosr Développement sont devenues de plus en plus importantes atteignant des centaines de milliers de dinars. Le deal est simple : «placez chez moi votre argent, je vous le rembourse deux ou trois mois après au double et parfois au triple de sa valeur, si c’est pas plus».
A Nabeul où la société Yosr Développement a ouvert une antenne, une dame a vendu maison et voiture pour profiter des largesses d’AD, initiateur du projet, natif de la Cité el Kabbaria, et connu des autorités d’après des sources sécuritaires qui préfèrent taire leurs noms.
D’autres ont vendu les bijoux de familles, leurs biens ou ont même retiré leur argent thésaurisé dans les banques conventionnelles pour aller s’enrichir auprès de l’agence Yosr… Qui vient d’ailleurs d’être suivie par d’autres agences de même type.
AD s’est métamorphosé en un broker. C’est toujours ça de gagné après une «révolution». Ceux qui étaient aux devants de la scène reculent ou disparaissent et arrivent sur terrain les deuxièmes et troisièmes lignes, les exécutants d’hier seraient-ils devenus les maitres d’aujourd’hui.
Les questions qui se posent sont toutefois, quelles sont les canaux qui pourraient produire des dividendes aussi importants et en des laps de temps aussi courts? Et d’où proviennent les sommes colossales restituées aux investisseurs?
Alertée, la BCT a porté plainte contre le nommé AD opérant au su et au vu de tout le monde depuis 28 mois mais sans l’agrément de la Banque centrale.
Selon certains observateurs, il pourrait également s’agir de blanchiment d’argents dans des affaires contrebande bien orchestrées par des cartels parfaitement bien organisés rappelant la pieuvre italienne. Notre entrepreneur serait lui la face émergente de l’iceberg. «Wa ma khafia kana Aadham». Car pour avoir pu contourner toutes les lois et procédures telle la loi N° 2001-65 du 10 juillet 2001, relative aux établissements de crédits.
“Selon l’article 7 de la loi en question, quiconque entend constituer une société pour se livrer, en qualité de banque ou d’établissement financier, aux opérations bancaires énumérées à l’article 2 de la loi N° 2001-65, doit, préalablement à l’exercice de son activité en Tunisie, obtenir l’agrément conformément aux conditions fixées par la loi. Les établissements de crédit comprennent les banques et les établissements financiers. Seuls ces établissements peuvent effectuer toutes les opérations énumérées à l’article 2 de la loi: à savoir les opérations bancaires telle la réception des dépôts du public quelles qu’en soient la durée et la forme, l’octroi de crédits sous toutes leurs formes, l’exercice, à titre d’intermédiaire, des opérations de change, la mise à la disposition de la clientèle et la gestion des moyens de paiement. Seules, toutefois, les banques sont habilitées à recevoir du public des dépôts quelles qu’en soient la durée et la forme”.
Comment AD a pu sévir pendant aussi longtemps, inciter les gens à lui faire confiance, et faire même de la publicité à travers un site web et une page facebook de la société portant un numéro de patente et une adresse sans que les autorités s’en rendent compte?
La question demeure sans réponse, d’autant plus que même les services de la Banque centrale de Tunisie n’arrivent pas à établir la traçabilité des fonds et n’ont même pas pu convaincre le juge de l’illégalité des opérations frauduleuses puisque le prévenu a été relaxé au bout de 24 heures. Est-ce à cause de la pression des clients pressés de récupérer leurs biens? Ou est-ce une décision faisant suite à une plainte non fondée?
Sur la page Facebook de la société, truffée d’erreurs d’orthographe, et appelant les diplômés à se manifester pour être soutenus dans leurs projets d’avenir, vous pouvez lire: «Yosr Developpement, a pour objectif d’instaurer un système de mutualisme (sic) et de donner la chance a (resic) tout le monde pour profiter des opportunités disponibles. Yosr Developpement est là pour qu’on se développe Mutuellement …» et qu’on saccage le pays et ses finances solidairement…
Dans un communiqué publié le 31 janvier 2013, la société “Yossr Développement” annonçait que, du 25 au 31 janvier 2013, elle a versé plus de 14 millions de dinars pour 1.800 adhérents, et a prétendue être capable de faire beaucoup mieux…
Avons-nous encore un Etat?