Depuis le 14 janvier 2011, les étés se suivent et finissent par se ressembler tous. La destination Tunisie ne cherche qu’à sauver un été après l’autre. Or l’été ne sauvera pas le tourisme tunisien et cela tout le monde fait semblant de ne pas le savoir. Les différentes gouvernances et étapes qui se sont relayées depuis la «révolution» ont toutes parlé de rénover, restructurer, assainir, réformer… Des paroles restées lettres mortes et qui, au fil des ans, sont en train de porter le tourisme tunisien vers les abysses.
Au vu des rares déclarations du nouveau ministre du Tourisme, Jamel Gamra, il ne faut pas s’attendre à plus qu’un sauvetage de la saison puisqu’il précise de bon cœur qu’il est là pour au mieux 6 à 9 mois, et que son objectif est de maintenir les 6 millions de touristes de l’année précédente tout en préparant les meilleures conditions pour celle d’après.
Que ceux qui croient qu’il était temps de casser ce cercle infernal et de sérieusement se mettre à travailler à autre chose que le sauvetage de la saison prennent leur mal en patience.
Depuis des années, l’arbre de la saison cache la forêt du marasme du tourisme et s’avère finalement le meilleur prétexte pour ne pas mettre à plat les problèmes et faire changer les choses.
Se poser une fois encore le même défi de sauver la saison touristique 2013, n’est-il pas finalement le meilleur moyen pour continuer à s’enliser dans les mêmes problèmes, tout en précisant qu’il est important de sauver la saison 2013 autant qu’il était de sauver celles de 2012 et 2011?
La saison à venir, autant que les précédentes, fera bien entendu l’objet des mêmes critiques ou autocongratulations, selon que l’on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide ou que l’on soit au pouvoir ou à l’opposition.
A la question de savoir si les réformes qui tardent à venir en Tunisie portent préjudice au pays, Ahmed Karm, banquier de la place, a déclaré dans une interview accordée à WMC que «les expériences nous montrent que les moments les plus propices aux réformes en profondeur sont les révolutions, malheureusement cela n’a pas été le cas de la Tunisie. Les réformes sont plus facilement réalisables parce que la révolution rend les utopies possibles, et les opérateurs plus enclins à accepter les changements. C’est pour cela qu’il faut oser et avoir le courage de déclencher des réformes profondes sans avoir peur d’aller à contrecourant».
Or c’est précisément cela qui n’a toujours pas été fait et pas que dans le tourisme !
Sur sa page officielle, Radhi Meddeb donne un autre éclairage sur la débâcle économique que vit le pays et commence par rappeler qu’entre 2011 et 2012, la Tunisie a bénéficié de deux fois 1,4 milliard de dollars de la part de la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et l’Union européenne réunies.
Le traitement de l’endettement du secteur touristique, avec entre autres la simplification administrative, un nouveau code des investissements, de nouvelles lois sur la concurrence et la faillite, était au cœur des engagements multiples qui ont été pris et dont très peu ont été honorés.
Radhi Meddeb précise que sous des allures techniques, ces réformes sont profondément politiques et la Tunisie peine depuis à trouver de l’argent puisque «ces mêmes bailleurs de fonds rechignent à continuer à être baladés. Ils trouvent le rythme des réformes beaucoup trop lent, l’horizon politique incertain et les engagements de plus en plus flous et de moins en moins crédibles. Certains se réfugient derrière la crise mondiale qui ne les épargne pas, d’autres haussent le ton et vont même jusqu’à parler d’incompétence».
Hormis de belles déclarations, d’ailleurs de plus en plus rares, nous sommes en droit de nous demander si l’on a vraiment envie de sauver le tourisme tunisien. A force de continuer à laisser pourrir la situation, n’est-on pas en train d’insulter l’avenir et jeter le bébé avec l’eau du bain?
Le tourisme est un stabilisateur et un enjeu vital pour la Tunisie. Sa survie est garante d’ouverture, et le gouvernement, en ne prenant pas des mesures exceptionnelles pour le sauver du bord de l’effondrement, est coupable d’une faillite qui coûte de plus en plus cher et qui pèsera très lourd sur la décennie à venir.
Au lendemain du 14 janvier 2011, le principal acquis du tourisme tunisien semblait être sa dépolitisation. Tout porte à croire que nous sommes passés de la mainmise du politique sur le domaine touristique au «Je-m’en-foutisme». S’il y a une vague qu’il fallait éviter, c’était bien celle-ci! Elle risque de provoquer un vrai tsunami à moins que cela ne soit un meurtre avec préméditation.