Tunisie – 1er Mai : Le froid entre le gouvernement et l’UGTT pèse lourd

 

caricature-ugtt-tunisie-2013.jpgImpossible de ne pas penser, à l’heure où on célèbre la Fête du travail, au climat qui domine les relations entre l’UGTT et le gouvernement : défection d’Ennahdah et du CPR au Congrès du dialogue national, le 12 octobre 2012, échec de la Commission sur les événements du 4 décembre 2012, refus de l’UGTT de rejoindre le dialogue national initié par la présidence de la République, en avril 2013….

L’UGTT a affirmé, lundi 22 avril 2013, n’avoir pas l’intention de rejoindre le dialogue national initié par la présidence de la République. La décision n’a pas étonné nombre d’observateurs qui s’y attendaient plus ou moins.

La plus grande centrale syndicale (près de 80% des syndiqués)  a bien refusé de se joindre à ce dialogue qu’elle a jugé être -seulement- un «dialogue des partis représentés à l’ANC (Assemblée nationale constituante)» pour lequel elle n’a pas été invitée à son démarrage.

L’UGTT voit-elle d’un mauvais œil ce «dialogue national» qui veut se substituer à celui –plus large- qu’elle a engagé en octobre 2012 avec l’ensemble des partis et des représentants de la société civile? Est-elle mécontente de l’évolution connue par la Commission constituée avec le gouvernement en vue de faire toute la lumière sur l’attaque de son siège perpétrée, le 4 décembre 2012, à la Place Mohamed Ali, par, comme elle l’a affirmé, les Ligues de Protection de la Révolution, qu’elle soupçonne d’être un des bras du principal parti au pouvoir Ennahdha, et par des sympathisants de ce dernier? Devant le refus du gouvernement d’impliquer ces dernières, la Centrale a dévoilé, comme on le sait, ses conclusions.

Difficile de ne pas croire qu’il y a un peu de vrai de cela dans la décision de l’UGTT. Toute la classe politique ressent, du reste, le froid qui s’est installé depuis quelque temps entre le gouvernement et la centrale syndicale. Certains observateurs estiment, dans le même ordre d’idées, que l’augmentation du nombre de grèves remarquée depuis mars-avril constitue un des éléments de ce qui semble être un bras de fer qui se joue entre les deux parties.

Le 16 octobre 2012, le Congrès du dialogue national s’ouvre à Tunis

Le phénomène n’est pas du tout ancien et des observateurs relèvent depuis, au mois janvier 2012, un certain climat difficile entre le gouvernement conduit par Ennahdah et l’UGTT lorsqu’une poubelle a été jetée devant le siège de celle-ci, pour le soutien qu’elle a apporté, sans doute, à cette époque aux employés municipaux rentrés en grève.

Le 28 janvier 2012, l’UGTT organisait une marche des libertés qui n’est pas passée inaperçue. L’ancien chef du gouvernement, Hamadi Jebali, a évoqué, à l’occasion, le soutien logistique apporté par des hommes d’affaires, proches du président déchu Ben Ali, pour cette marche.

La présentation par l’UGTT, le 14 mars 2012, d’un projet de Constitution. Elue, le 25 décembre 2011, la nouvelle direction de la Centrale entendait jouer son rôle de force de proposition comme elle l’a souvent fait tout le long de son histoire en étant un syndicat largement engagé dans la vie publique.

C’est donc tout naturellement qu’elle travaille -alors que le pays s’interroge à l’approche du 23 octobre 2012- sur une feuille de route qui prenne en compte des délais pour la rédaction de la Constitution, la tenue d’élections, la mise en place d’une loi électorale… L’ANC n’a-t-elle pas été élue pour seulement un an?

Le 16 octobre 2012, le Congrès du dialogue national s’ouvre à Tunis. Mais Ennahdha et le CPR (Congrès Pour la République), deux composantes de la «Troïka» au pouvoir, font défection. Pour protester –officiellement- contre la présence du parti de Nidaa Tounes, qui monte dans les sondages en tant que force politique concurrente d’Ennahdha, présenté par certains militants nahdaouis et cpéristes comme un parti créé pour «recycler» les RCD (Rassemblement Constitutionnel Démocratique) du président déchu Ben Ali.

L’UGTT prend mal cette défection. Elle a peut-être raison. Ennahdha participera au dialogue national initié par la  présidence en avril 2013. Qu’est-ce qui a changé depuis? Nidaa Tounes n’est-il plus un «recycleur» de Rcédistes?

Le dialogue national initié par la présidence de la République semble connaître des difficultés

Maintenant que le dialogue national initié par la présidence de la République semble connaître des difficultés à aboutir avec des suspensions de participation, tout le monde attend l’attitude que vont adopter Ennahdha et le CPR concernant la seconde phase du dialogue national que la centrale syndicale dit activement participer.

Il est évident que si Ennahdha et le CPR y participent, comme tout porte à le croire, du moins pour le premier, cela va beaucoup décrisper l’atmosphère lourde. Mais cela ne suffit pas. Ennahdha et ses partenaires de la Troïka sont attendus sur deux autres terrains : celui de la commission tripartite au sujet des événements du 4 décembre 2012 (le gouvernement conteste la version de l’UGTT) et celui de la campagne menée depuis quelques mois par certains acteurs qui parlent de «corriger» l’évolution que connaît l’UGTT soupçonnée d’avoir, à leurs dires, dévié des idéaux et principes fondateurs. Ces hérauts d’un retour aux origines du syndicalisme ne sont pas bien vus par nombre de syndicalistes.

Tout ce vécu ne peut que dominer les débats à l’heure où la classe ouvrière célèbre, mercredi 3 mai 2013, la Fête du travail. Avec l’espoir que cette tension s’apaisera pour que le pays prenne la voie du salut. Au plus vite.