Outre la fibre littéraire, les journalistes devront-ils avoir la bosse des maths ?

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Un homme devant un ordinateur (Photo : Lionel Bonaventure)

[02/05/2013 08:43:10] PARIS (AFP) Considéré par certains comme une nouvelle langue vivante, le code informatique, sur lequel reposent les sites web et les applications, occupe une place croissante dans la formation des journalistes et les rédactions numériques qui expérimentent des formats éditoriaux innovants.

“Les journalistes ont besoin d’être davantage que des utilisateurs d’internet, ils doivent être des créateurs d’internet. Ce n’est que comme ça que nous ferons avancer le journalisme numérique”, explique à l’AFP Aron Pilhofer, qui dirige une équipe au New York Times mêlant journalistes et développeurs informatiques, une collaboration rapprochée devenue selon lui “extrêmement importante”.

“Trop de rédactions sont obligées d’essayer de faire entrer du contenu dans des plateformes rédactionnelles déjà existantes, cela revient à essayer de faire rentrer une cheville en bois carrée dans un trou rond”, argumente-t-il.

“Cela nous permet de ne pas être limités. Nous pouvons concevoir un site spécialement dédié aux jeux Olympiques, des outils pour traiter les contenus générés par nos internautes, une plateforme pour raconter l’info en direct ou tout ce qui est imaginable”, détaille-t-il, jugeant la réactivité et la flexibilité de son équipe plus grande que s’il devait composer avec un service technique tout entier.

A l’image d’Aron Pilhofer, nombreux sont ceux qui pensent que, face aux mutations numériques, “le futur du journalisme passe par la compréhension du code”, comme l’écrit Alice Antheaume, responsable de la prospective à l’école de journalisme de Sciences Po, dans son livre qui vient de paraître, “Le journalisme numérique”.

Sciences Po a d’ailleurs mis en place des cours de code à la rentrée 2012 pour ses étudiants en journalisme.

“Une nouvelle façon de raconter des histoires”

L’idée n’est pas d’en faire des développeurs informatiques, dont la formation s’étale sur plusieurs années, mais de leur donner des notions pour faciliter le dialogue entre journalistes et informaticiens et savoir ce qui est faisable ou non, expliquent les responsables de l’Institut pratique de journalisme (IPJ) et du Centre de formation de journalisme (CFJ), qui initient également leurs étudiants au code.

Ils s’agit de sortir du format texte-photo ou du simple tableau comparatif et “d’être capable de développer, pour les déclarations de patrimoine, par exemple, une petite application qui permet de cliquer sur la tête de tel ou tel ministre pour afficher le nombre de ses appartements”, illustre Alice Antheaume.

Dans un monde de l’information où les vidéos, les images et les infographies animées envahissent les écrans et les supports mobiles, les formats journalistiques cherchent à devenir plus visuels.

“Si, demain, je dois embaucher des journalistes, avoir des notions ou savoir coder, c’est un vrai plus, parce que c’est une nouvelle façon de raconter des histoires”, déclare Johan Hufnagel, rédacteur en chef et co-fondateur du site Slate.fr. Même son de cloche chez Aurélien Viers, directeur adjoint en charge du numérique au Nouvelobs.com ou Antoine Bayet, rédacteur en chef du Lab d’Europe 1, pour qui un journaliste reste néanmoins “un littéraire”.

Certains comparent même le code, ces lignes de programmes informatiques totalement incompréhensibles pour les non-initiés, à une langue qui devrait être enseignée à chacun à l’école.

“Je suis pour l’enseignement du langage HTML (hypertext markup language, ndlr) au collège ou au lycée, sans vouloir faire de tout le monde des développeurs. Mais c’est intéressant de savoir de quoi le web est fait. Pour moi, c’est une langue comme une autre”, estime Damien Van Achter, journaliste belge qui enseigne à Sciences Po. Ce dernier comprend d’ailleurs mal le peu d’appétit des journalistes pour “aller voir sous le capot”.

“Je n’imagine pas un journaliste qui ne serait jamais allé dans une imprimerie” il y a quelques années, ajoute Johan Hufnagel de Slate.fr.