La HAICA (Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle) tant attendue sera connue aujourd’hui en guise de commémoration de la Journée mondiale de la liberté de la presse. Tant mieux! Mieux vaut tard que jamais?! En tout cas le retard n’est dû qu’à la surenchère politicienne et aux arrière-pensées politiques des uns et des autres, y compris les représentants des journalistes et des propriétaires des médias audiovisuels eux-mêmes!
En cette période transitoire très mouvementée en Tunisie et malgré le sentiment généralisé que la révolution du 14 janvier n’a enregistré qu’une seule réussite, celle de la libération des médias et de l’expression des Tunisiens, il n’en demeure pas vrai que, bien que libérés, les médias tunisiens pataugent dans une situation très complexe où les prémisses d’une nouvelle ère sont en train de se dessiner tandis que les séquelles de 60 ans d’absolutisme n’ont pas encore disparu!
D’ailleurs et bien que tant attendue, la HAICA en elle-même n’est qu’une première étape dans l’édifice des institutions de régulations que toute société démocratique et pluraliste se doit de mettre en place pour garantir la liberté d’expression tout en préservant les autres droits fondamentaux de la personne.
La presse écrite, doyenne de tous les autres moyens d’expression, doit aussi être régulée; la presse électronique, dernier «mass-média» de notre civilisation, demande également à être accompagnée dans ces premières expressions -et surtout ses premiers dérapages. Ceci sans compter la régulation de l’argent des médias et l’apport de la publicité, de la politique et des lobbys divers, qu’ils soient locaux ou étrangers. L’argent est certes le «nerf de la guerre», mais ce nerf doit être sain et transparent, sinon, nous ne pouvons rien réguler par ailleurs!
Avant tout ceci et en préalable à la mise en place des outils de régulation démocratiques, nous avons un passé douloureux à nettoyer. Passer l’éponge ne peut pas se faire et la vindicte personnelle ou politicienne n’est pas la solution. La justice transitionnelle doit faire son travail et le plutôt sera le mieux pour ceux qui se sont enrichis –illégalement cela s’entend- ou ceux qui ont lésé le pays dans sa liberté. Mais un travail d’auto-évaluation doit être fait par la profession qui devra se prendre en charge et avoir le courage d’accomplir le travail de catharsis, douloureux certes mais absolument nécessaire!
Au fond, nous avons besoin d’ouvrir grands les chantiers d’une profonde reforme de notre paysage médiatique. Nous devons définir les contours d’un grand service public de l’information qui sera l’épicentre de nos médias. Nous avons à organiser la distribution des ressources publiques de publicité pour non seulement garantir l’équité entre tous mais également pour s’en servir comme moyen de pérenniser la pluralité d’expression et d’opinion nécessaire pour fonder une démocratie. Nous avons à mettre en place les prémisses d’une industrie culturelle à même de garantir un contenu pluraliste, démocratique et libre pour tous les citoyens et pour tous les médias, en dehors de sa grande contribution économique, sociale et politique.
Les chantiers sont nombreux, grands et complexes. Comme la vie en fait, et les médias ne sont in fine que l’expression de la complexité de la vie.