Dans l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, il est stipulé que tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.
En Tunisie, en ce vendredi 3 mai où l’on fête la Journée mondiale de la liberté de la presse, notre confrère du journal Assahafa, Zied El Héni, comparaît en tant que prévenu dans une affaire l’opposant au ministère de l’Intérieur suite à des informations qu’il avait osé divulguer sur la chaîne Nessma et dans lesquelles, il a cité les noms de certaines personnalités sécuritaires.
«En fait, je n’ai accusé personne, j’ai tout juste transmis publiquement des informations que je venais de recevoir de la part d’une source qui semblait bien édifiée sur les dessous de l’Affaire Chokri Belaïd. Ceci dit, il y avait un précédent, celui des déclarations de Tahar Belhassine, fondateur de la chaîne Al Hiwar, totalement ignorées par les pouvoirs publics. Je voudrais également demander à ceux qui me reprochent mes déclarations publiques, quelles garanties avais-je, sorti du bureau du procureur de la République, ou du juge d’instruction, de rentrer chez moi vivant au sortir du tribunal au vu de la rapidité avec laquelle les informations sont retransmises ces temps-ci?», fustige Zied El Héni.
Il est tout aussi vrai que dans le chaos que vit aujourd’hui la Tunisie, institutions comprises, comment les journalistes pourraient-ils se fier à quiconque alors que depuis la prétendue révolution du 14 janvier, aussi bien des composantes politiques que d’autres venant de la société civile, sont parties dans des cabales sans merci à leur encontre?
Eux qui avaient pensé l’ère de la censure dévolue sont aujourd’hui en bute à d’autres formes de censure autrement plus perfides et plus pernicieuses. Des attaques orchestrées par les sympathisants de la Troïka et menées de front par les Ligues de protection de la révolution appelant à l’assainissement des médias, dénonçant les médias de la honte, mauves et serviles…
Mercredi 1er mai, jour de la Fête du travail, Tarak Kahlaoui, membre du Congrès pour la République (CPR), tançait publiquement les journalistes pointant du doigt un confrère chroniqueur sur la chaîne Nessma. Un geste indigne d’un leader politique qui plus est conseiller à la présidence de la République et payé par les deniers publics, soit presque un appel au meurtre. Ce qui n’est pas étonnant venant d’un honorable affilié tardif au Congrès pour la République. Et ce qui justifie amplement les déclarations de Nejiba Hamrouni, présidente du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), laquelle, intervenant sur Shems FM, a ouvertement dénoncé l’absence d’une volonté politique pour apporter les modifications légales indispensables au secteur des médias telle la non-activation des décrets-lois 115 et 116. Elle a également dénoncé la pression maintenue par le mouvement Ennahdha et le CPR pour limiter la liberté des médias.
Pourtant, s’il est un secteur qui a réalisé un saut en avant autant sur le plan qualitatif que quantitatif, c’est bien celui des médias. Mais on ne leur pardonne pas leurs velléités d’indépendance et leurs volontés de s’affranchir des barrières et restrictions mettant en otage la liberté de dire la vérité, de dénoncer les abus et d’exprimer des positions qui soient à l’encontre de l’ordre que les nouveaux maîtres du pays veulent établir.