Atlantic Council, un think tank proche de l’armée américaine, analyse et compare les situations des armées tunisienne, libyenne et égyptienne, et invite les Etats-Unis à revoir –pour la consolider- leur coopération militaire avec les trois pays.
«Les transitions démocratiques en Egypte, Tunisie et Libye resteront réversibles tant que, à moins que et jusqu’à ce que leurs appareils de sécurité sont réformés pour mener leurs fonctions sans violer les droits des citoyens ou interférer dans la politique». C’est sur la base de cette conviction que l’Atlantic Council, un think tank proche de l’armée américaine, a confié à deux experts la mission d’analyser le rôle et la place des armées tunisienne, libyenne et égyptienne dans leurs sociétés respectives et de produire un rapport –intitulé «A New Deal: Reforming US Defense Cooperation with Egypt, Libya, and Tunisia»- dans lequel il recommande à l’administration Obama de revoir sa coopération militaire en vue de favoriser l’évolution de ces armées et plus particulièrement leur soumission aux pouvoirs politiques civils en place.
Si l’objectif est le même pour les armées des trois pays, celles-ci sont loin, d’après le rapport, d’être dans la même situation, de se comporter de la même manière, d’entretenir le même type de rapport avec les Etats-Unis, d’être confrontées aux mêmes problèmes et, partant, d’avoir les mêmes besoins.
En Tunisie, l’armée a joué un rôle «très différent dans la société et l’histoire du pays», comparativement avec l’Egypte. Depuis l’indépendance, l’armée tunisienne «a été relativement petite, sous-financée et soumise à l’autorité civile». Certes, comme en Egypte, les militaires tunisiens ont joué un rôle essentiel dans la transition en refusant les ordres de l’ancien président Ben Ali de tirer sur les manifestants. Mais contrairement à leurs collèges égyptiens, ils ont refusé de jouer un rôle politique dans la transition qui a suivi, «remettant immédiatement le pouvoir à des autorités civiles provisoires».
Les militaires tunisiens ont depuis longtemps une forte relation avec leurs homologues américains, mais sont beaucoup moins dépendants que l’armée égyptienne de l’assistance américaine. Surtout, ils estiment que leur mission première consiste à assurer la protection des frontières, la lutte anti-terroriste et la protection contre la contrebande venant de Libye, «un rôle qu’ils ont été forcés d’assumer, les services de sécurité intérieure s’étant effondrés après la chute du régime Ben Ali. Malgré ce rôle temporaire, les militaires ne cherchent pas un plus grand rôle pour eux dans la sécurité intérieure».
D’ailleurs, les responsables de la «Grande muette» nationale ne voudraient pas continuer encore longtemps à s’occuper de sécurité intérieure. Toutefois, «le recalibrage de leurs efforts dépend d’une réforme structurelle efficace du ministère de l’Intérieur et de ses différents organes, de façon à ce que les militaires puissent revenir à leur mission de base et de ne pas s’enliser dans la conduite des missions de la police et des services de renseignements», souligne le rapport.
De même, alors que les laïcs et le parti Ennahdha se méfient les uns des autres, «les militaires ne sont pas impliqués dans la lutte pour le pouvoir et ont très peu d’intérêts économiques à protéger et devraient être probablement moins réfractaires à un contrôle budgétaire».