Le Mercosur dans une zone de turbulences

photo_1367940522067-1-1.jpg
Logo du Mercosur (Photo : Juan Mabromata)

[07/05/2013 15:31:03] BUENOS AIRES (AFP) Le Mercosur, Marché commun du Cône sud, est dans une zone de turbulences: le moteur Brésil-Argentine donne des signes de mésentente et l’incertitude s’installe quant à son avenir, selon des experts.

Troisième espace de libre-échange après l’Union européenne et l’Alena (Accord de libre-échange nord-américain, USA, Canada, Mexique), le Mercosur a été conçu en 1991 comme un espace de libre-échange entre pays gouvernés par des présidents conservateurs, mais Brésil, Argentine et Uruguay sont aujourd’hui dirigés par des gouvernements de gauche, adeptes de l’intervention de l’Etat dans l’économie.

Il “a montré ses faiblesses au cours des dernières années, il n’aura plus le même poids économique et commercial. En revanche, comme espace politique, c’est la base de l’alliance entre Argentine et Brésil (les deux premières économies d’Amérique du sud, ndlr), ce qui permet au Brésil d’exercer son leadership régional”, avance Mauricio Claveri, spécialiste argentin du commerce extérieur.

L’espace de libre-échange sud-américain, poursuit-il, “dépend beaucoup de la relation Brésil-Argentine. Les dossiers économico-commerciaux n’ont pas avancé, ils sont bloqués, faute de décision politique”.

“Nous sommes dans un moment de perte de synergies entre les pays, le bloc a besoin d’une redéfinition et d’un regroupement”, affirme l’économiste en chef de la Fondation et centre d’études du commerce (Funcex), Rodrigo Branco.

En revanche, l’agenda politique est nourri: le Mercosur a connu une année 2012 agitée. Le Paraguay a été temporairement suspendu. La sanction est tombée après la destitution controversée du président Fernando Lugo. Le bloc en a profité pour admettre le Venezuela d’Hugo Chavez, dont l’entrée était bloquée par le Paraguay.

A moyen terme, l’Equateur et la Bolivie pourraient intégrer le Mercosur. Le président élu du Paraguay, Horacio Cartès, a manifesté son intention de réintégrer le Mercosur, mais ne cache pas son intérêt pour l’Alliance du Pacifique, créé en 2012 par le Chili, la Colombie, le Mexique et le Pérou), tournée vers les marchés asiatiques.

Argentine critiquée

En Uruguay, le président José Mujica a qualifié le Mercosur de “bloc stagnant”, “figé dans le temps”.

Le commerce entre les membres du Mercosur peut décliner encore cette année, si le prix des matières premières chute -pétrole vénézuélien, viande bovine d’Uruguay, soja d’Argentine et du Brésil- avertit l’Association du commerce extérieur du Brésil (AEB).

Au sein du Mercosur, la politique de la présidente argentine Cristina Kirchner est critiquée.

Fin 2011, l’Argentine a mis en place un contrôle des changes sévère pour éviter la fuite de devises et des droits de douanes élevés, dont les membres du Mercosur ne sont pas exonérés.

La politique argentine affecte “les exportations de ses partenaires qui l’accusent de protectionnisme. Mais le Brésil a aussi sa part de responsabilités, notamment concernant les marchés publics qui favorisent les entreprises brésiliennes” note Mauricio Claveri.

Le volume des exportations brésiliennes vers l’Argentine a diminué de 21% en 2012 et de 10% lors du premier trimestre 2013. En 2012, les exportations argentines vers le Brésil ont baissé de 3% mais ont repris au premier trimestre 2013 (+16%). Le commerce bilatéral entre les deux pays avait atteint en 2011 un niveau record de 40 milliards de dollars.

Pour Khatchik DerGhougassian, expert libanais en relations internationales de l’Université San Andrès de Buenos Aires, “le Mercosur a besoin d’un second souffle”.

“Le Mercosur, considère-t-il, a besoin d’une nouvelle vision pour ne pas stagner: trouver un mécanisme pour que les ressources naturelles servent le développement des pays et promouvoir de nouvelles infrastructures, notamment dans l’énergie et les transports, par exemple un corridor routier Pacifique-Atlantique. Aucune économie ne peut croitre en se fermant”.

D’après lui, “les processus d’intégration demandent à être remis au goût du jour, faute de quoi, ils peuvent perdre leur sens”.

Le prochain sommet du Mercosur est prévu en juin à Montevideo.