Espagne : la justice refuse la demande suisse d’extrader Hervé Falciani

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é Falciani, le 23 décembre 2009 à Nice (Photo : Valery Hache)

[08/05/2013 13:37:01] MADRID (AFP) La justice espagnole a refusé mercredi d’extrader l’ex-informaticien de la banque HSBC Genève Hervé Falciani vers la Suisse qui l’accuse du vol de fichiers bancaires ayant permis d’identifier des milliers d’évadés fiscaux dans toute l’Europe.

Arrêté à Barcelone le 1er juillet 2012, Hervé Falciani, âgé de 41 ans, de nationalité franco-italienne, qui a évoqué des menaces pour sa vie dans la presse, avait été remis en liberté provisoire le 17 décembre sous surveillance policière.

La Suisse, qui avait lancé un mandat d’arrêt international contre lui, avait demandé le 5 juillet à l’Espagne son extradition pour vol et divulgation de secrets industriels ou commerciaux et du secret bancaire.

Mais le tribunal madrilène de l’Audience nationale a estimé dans son arrêt rendu mercredi que ces faits ne sont pas susceptibles de poursuites en Espagne car il n’existe pas dans ce pays “une protection pénale spécifique du secret bancaire comme tel”.

Le tribunal explique également que “l’espionnage économique n’est pas reconnu” en Espagne.

En matière de révélations de secrets industriels, le délit n’est pas reconnu car “les informations révélées par M. Falciani l’ont été auprès des autorités compétentes et concernent des actes illicites commis au travers de cette banque (HSBC) qui ne peuvent être pénalement protégés”.

Dans sa décision, l’Audience nationale relève que la collaboration d’Hervé Falciani a permis “de manière efficace” de mettre au jour “de nombreuses situations délictueuses” qui n’avaient pas pu être découvertes jusque-là.

Le tribunal a suivi l’avis du procureur, Dolores Delgado, qui s’était dite opposée à une extradition, lors d’une audience le 15 avril, soulignant que les faits reprochés à Falciani “ne sont pas passibles de poursuites en Espagne”, “le secret bancaire y ayant été aboli en 1977”.

“Falciani a collaboré avec les autorités de différents pays, à commencer par la France, puis l’Italie, les Etats-Unis et c’est à présent l’Espagne qui bénéficie de cette collaboration”, avait-elle argumenté.

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é Falciani, le 15 avril 2013 (Photo : Juan Carlos Hidalgo)

“Nous ne pouvons pas punir ceux qui, alors qu’ils observent des conduites délictueuses dans les lieux où ils travaillent, les dénoncent”, avait-elle relevé.

Lors de cette audience, l’ancien informaticien a affirmé que sa seule intention avait été de dénoncer les pratiques de HSBC.

“La lutte contre l’opacité financière est mon intime conviction et elle est de l’intérêt de toutes les démocraties”, avait-il affirmé, assurant que “les objectifs” financiers de HSBC étaient “contraires aux normes européennes”.

“Dans la banque j’ai vu des agissements scandaleux”, avait-il lancé, dénonçant l’absence de contrôle sur la provenance de l’argent.

Après avoir été arrêté puis remis en liberté à Genève en décembre 2008, Falciani était parti pour la France, où il avait collaboré avec les autorités pour analyser les fichiers codés.

Le procureur français Eric de Montgolfier, qui avait révélé l’affaire des évadés fiscaux, avait également témoigné en sa faveur lors de l’audience.

Falciani “avait le sentiment que l’accueil réservé par certaines banques à la fraude fiscale était l’une des causes de la crise financière mondiale”, avait-il affirmé. La collaboration de l’informaticien a été essentielle “pour comprendre ce qui était en jeu”.

Les fichiers que l’ex-informaticien est accusé d’avoir volés ont permis de découvrir 659 comptes en Suisse pour les seuls clients espagnols, avait souligné l’ancien secrétaire d’Etat au Budget, Carlos Ocaña, lors de l’audience.

Selon le procureur espagnol, ces documents ont révélé une fraude fiscale portant sur 200 milliards d’euros dans toute l’Europe.