Une
conférence des
femmes
d’affaires maghrébines, des universitaires et des expertes
d’Afrique du Nord se tient actuellement à Gammarth en Tunisie, organisée par “AfriMA.Life”
et la fondation Konrad Adenauer-Stiftung.
Il s’est agi de mesurer le poids de la gente féminine dans les économies des
pays de la région. Vendredi 10 mai a été consacré au débat sur “le potentiel
entrepreneurial des femmes et le développement économique du Maghreb”, au cours
duquel elles ont passé en revue les expériences des femmes dans les pays du
Maghreb et de l’Afrique du Nord.
D’après des statistiques de l’Organisation internationale du Travail (OIT), les
2/3 des heures de travail dans le monde sont accomplies par des femmes alors que
celles-ci ne reçoivent que 1% des bénéfices. Sur le plan régional, malgré
certaines divergences, les intervenants à ce conclave ont constaté que la
présence des femmes demeure faible dans les secteurs formels et les postes de
décision dans presque tous les pays maghrébins.
Pour Nicola Ehlermann Cache, chef de projet de consultation de l’OCDE sur l’entrepreunariat
féminin, les études élaborées, dans ce cadre, montrent que seulement 27% des
femmes sont actives sur le marché du travail et des affaires dans la région
MENA, soit beaucoup moins que dans le reste du monde où ce pourcentage est
estimé à 60%. Ceci prouve, selon cette responsable, l’existence de difficultés
d’accès des femmes aux emplois et aux affaires. “C’est une perte de ressources
pour les économies dans un contexte difficile et pour les pays de la région en
général”, a-t-elle dit.
Aussi, la présence des femmes est-elle beaucoup plus remarquée dans les secteurs
informels. Or, “l’informel n’introduit pas de valeur ajoutée et ne contribue pas
au PIB”, d’après Moufida Weslati, économiste et universitaire présente à cette
rencontre inter-maghrébine.
Laura Gucci, présidente mondiale des femmes chefs d’entreprises (FCEM), a
déclaré, quant à elle, que le contexte économique, politique et religieux
actuel, exige une meilleure participation des femmes. “Nous allons compter sur
l’instruction des femmes pour changer les mentalités et mieux gérer les
sociétés”, a-t-elle avancé, rappelant le constat fait par une étude élaborée par
le magazine “The Economist”, confirmant que les femmes ont une meilleure
capacité de gérer les affaires.
En Egypte, par exemple, 40% des femmes travaillent mais actuellement leurs
chances d’emploi s’amoindrissent de plus en plus et le taux de chômage des
femmes égyptiennes estimé, trois ans auparavant, à 22% se situe actuellement à
37%, a indiqué Sahar Saleb, professeur universitaire, présidente du conseil
d’administration et activiste sociale.
Mme Naânaa Wanani, présidente de l’association « SEVE » (Algérie) a relevé que
pour les algériennes, il y a moins de difficultés dans le monde des affaires par
rapport aux autres pays et que les femmes de son pays se sont, aujourd’hui,
attaquées à de nouveaux secteurs économiques auparavant réservés aux hommes
(bâtiment, industrie pharmaceutiques….). “Le problème en Algérie est beaucoup
plus lié au financement», a-t-elle dit, car les banques restent frileuses”.
La représentante de la Mauritanie, Oum Kalthoum Hamdinou, professeur
universitaire et sociologue, a affirmé que malgré une dominance des femmes dans
le pays (53%), celles-ci sont encore marginalisées et écartées des postes de
direction. “35% des Mauritaniennes travaillent dans l’informel et 84% sont
indépendantes et exercent dans les activités de l’artisanat”, a-t-elle ajouté.
L’expérience de la Libye s’avère récente dans le domaine de l’entreprenariat
féminin. Ibtissem Ben Amer, fondatrice de la Commission des femmes d’affaires
libyennes (créée en 2012), indiquera à ce sujet que la majorité des femmes
travaille aussi dans le secteur informel et que la volonté existe pour changer
la donne après la révolution.
En Tunisie, sur les 6.000 entreprises opérant dans le secteur formel, 1/5 sont
dirigées par des femmes. 9% des travailleurs indépendants sont des femmes et 80%
travaillent dans l’artisanat. D’après Riadh Zghal, universitaire qui présentait
l’expérience tunisienne, la femme est, pourtant, dotée de compétences d’empathie
et de management très développées et est très sensible à la question d’éthique.
Ceci constitue un avantage et un moyen pour épargner l’entreprise des chocs
exogènes comme les crises financières, estime Mme Zghal.
En dépit des divergences, les récentes études montrent qu’il y a un nombre de
valeurs qui sont partagées entre les femmes où qu’elles soient, a-t-elle
témoigné. “C’est juste l’écart d’opportunités qui fait la différence”. Et aussi
le poids des traditions et des cultures, estiment un grand nombre de femmes
participantes. “Si les femmes décident d’observer une grève générale, quel
serait l’impact sur les économies de leurs pays?”. C’est à cette question que
les représentantes des 6 pays de la région MENA (Tunisie, Libye, Mauritanie,
Maroc, Algérie, Egypte) ont répondu avec humour. Leur réponse était “l’impact
serait d’envergure non seulement pour les économies mais aussi pour le
fonctionnement du monde entier”.
WMC/TAP