La Lettonie, un havre pour l’informatique russe

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étique rempli de serveurs ultra-modernes, photographié le 10 mai 2013 à Riga (Photo : Ilmars Znotins)

[11/05/2013 13:42:41] RIGA (AFP) Les entreprises informatiques russes ont trouvé en Lettonie un havre pour y déposer leurs données en ayant recours à la technologie du “cloud computing” en plein essor dans ce petit pays balte où la communauté russophone représente un tiers de la population.

Les Russes “veulent protéger leurs données de toute ingérence du gouvernement ou de leurs concurrents”, explique à l’AFP un expert en informatique letton sous couvert de l’anonymat. “Et la meilleure façon de le faire est de placer à l’extérieur de la Russie ces données primaires ou au moins une copie”, ajoute-t-il.

En Russie, les entreprises redoutent les opérations de vérification de la police qui peut décider facilement de saisir leur matériel informatique.

Le cloud computing permet à l’utilisateur de sauvegarder ses données et ses applications informatiques sur des serveurs distants (comme autant de nuages) et de les exploiter en passant par internet, au lieu de les stocker localement sur des disques durs.

Les entreprises peuvent ainsi réduire leurs coûts d’investissements dans le matériel et les logiciels, mais elles doivent accepter de délocaliser leurs données.

Alléchées par le marché russe, les sociétés lettones spécialisées dans le cloud computing ont fait de gros efforts pour persuader leurs clients que leurs données étaient en sécurité chez elles.

Selon une récente étude de la société Fast Market Research, le secteur des technologies de l’information en Russie devrait croître de 11% en 2013, à 18,7 milliards d’euros.

Le cloud computing n’en représente encore qu’une faible part – environ 91,4 millions d’euros – mais progresse de 40% à 60% par an, selon la société d’études de marché IDC.

Ainsi, le chiffre d’affaires de la société de services informatiques DEAC basée en Lettonie a bondi de 46% l’an dernier avec plus de 500 projets avec la Russie, l’Ukraine et le Belarus.

Sur son site web, DEAC assure qu’en utilisant ses centres serveurs, ses “clients russes peuvent diversifier les risques administratifs et informatiques et réduire leurs dépenses informatiques de 40%”.

A douze mètres sous terre

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étique reconverti en site sécurisé de protection de données, le 10 mai 2013 à Riga (Photo : Ilmars Znotins)

Pour ceux qui veulent avant tout que leurs données soient stockées dans des sites sûrs, DEAC propose un ancien bunker soviétique avec des salles enfouies à douze mètres sous terre, remplies de serveurs ultra modernes.

“Les entreprises russes sont très soucieuses de discrétion”, explique l’expert letton qui estime que ses clients attachent plus d’importance aux questions de sécurité que de coût.

“Il y a une demande pour de petits centres de serveurs privés car ils pensent qu’ils sont plus discrets et ils ne veulent pas se retrouver au même endroit que leurs concurrents”, ajoute-t-il.

Les Russes ne se sentent pas dépaysés en Lettonie, ancienne république soviétique où un tiers de la population est russophone et où ils peuvent obtenir un permis de séjour dans l’Union européenne (UE) moyennant un modeste investissement dans l’immobilier local.

Andrey Vyatskikh, un consultant de Frost & Sullivan basé à Moscou, reconnaît que certaines entreprises russes “considèrent que les solutions d’hébergement de données à l’étranger sont une façon de s’assurer que le serveur sur lequel elles sont stockées sera physiquement à l’abri d’une saisie”.

Même les entreprises russes proposant des solutions de cloud computing à des fournisseurs étrangers pour le marché local offrent généralement la possibilité de stockage de données en Europe, souligne-t-il.

Le patron d’une petite entreprise basée à Moscou, s’exprimant sous couvert de l’anonymat, indique avoir opté pour une solution d’hébergement de ses données sur Google après s’être fait confisquer provisoirement son matériel par la police.

“Vous pouvez imaginer le problème que cela nous a posé. Nous n’avions aucune sauvegarde”, dit-il à l’AFP, s’estimant heureux d’avoir pu récupérer ses équipements quelques jours plus tard sans avoir à payer d’amende, aucune charge n’ayant été retenue contre sa société.

“Nous n’avons rien pu faire pendant une semaine, tous nos dossiers étaient partis”, indique-t-il soulignant qu’avec le cloud computing, il n’a “plus de problèmes de sécurité”.

Pour M. Vyatskikh, il manque encore en Russie un cadre juridique pour réglementer le cloud computing.

“Le fait qu’il existe des lois régissant ce type de service en Europe et aux Etats-Unis est intéressant pour les entreprises russes”, dit-il.