Un
parti baptisé le Congrès populaire pour le front républicain verrait bientôt le
jour. Son initiateur serait un magnat de la télé; son fondateur serait un haut
cadre sis à Zaghouan.
Ce parti, pas encore né officiellement, dont on ignore les projets, les
orientations et les programmes, se verrait, selon certaines sources, bientôt
nanti de 11 députés dont 8 «acquis» auparavant par le fameux Bahri Jelassi.
Un milliardaire, promoteur, entrepreneur rentré au pays après la révolution et
qui ne se satisfaisait plus de ses milliards, la magie du pouvoir étant plus
envoûtante et autrement plus excitante, aurait été, lui aussi, sollicité,
tenez-vous bien, par… 35 députés, venus lui prêter allégeance pourvu que le prix
en vaille le coup.
Le proverbe tunisien «kothr el hamm ydhahhak» serait peut-être le mieux
approprié dans une Tunisie où les députés se vendent et s’achètent comme des
joueurs de football évoluant dans des équipes qui ne sont mêmes pas classés au
vu de leurs médiocres qualifications.
Que dire de plus si ce n’est que la seule Nahdha (renaissance) que vit
aujourd’hui la Tunisie est celle du népotisme, du clientélisme, d’une absence
révoltante d’éthique, de respect des électeurs et du respect de la mission dont
les constituants «légitimes» ont été chargés. Une mission à laquelle ils ont
failli mais qui ne les empêchent pas à chaque fois que l’occasion se présente
d’en invoquer la légitimité.
Comment expliquer pareil phénomène si ce n’est par l’absence totale du sens de
la responsabilité, de l’amour de la patrie et du respect des électeurs? Comment
expliquer cette mascarade faisant d’une Constituante incapable de pondre une
Constitution dans un pays qui en possède une depuis 1957, un souk aux
constituants? Comment ne pas s’insurger devant autant de petitesse, de
médiocrité, d’ignorance et d’absence des principes élémentaires des règles
démocratiques?
Mais de quoi parlons-nous là? D’une légitimité «gagnée» par les urnes et perdue
par l’absence de réalisations? D’une légitimité invoquée tout juste pour
expliquer la nécessité d’augmenter les salaires des constituants? De la
confiance bafouée d’un peuple qui a vraiment cru que son fantasme démocratique
allait se réaliser? De députés démocrates qui négocient sous et sur la table une
place dans un gouvernement dont les principes diffèrent de ceux de leurs
électeurs, et d’autres qui se vendent à prix d’or sur la bourse des partis alors
qu’ils ne valent même pas un rond?
Il est du devoir du procureur de la République d’ouvrir au plus tôt une
investigation sur le marché des députés à la Constituante. Car, pour ceux qui ne
refusent de le reconnaître, c’est une trahison. C’est la trahison des promesses
faites aux électeurs sur la base du choix d’un parti, c’est une trahison à une
Tunisie qui souffre en attendant que son avenir soit décidé par nombre de
constituants dénués de tout sens moral et de tout respect pour la patrie; c’est
un manquement aux règles élémentaires de gouvernance dans un lieu censé être le
haut lieu des bonnes pratiques. Et dire que ce sont ces gens-là qui vont rédiger
le document le plus important pour la Tunisie de demain!
A voir ces pratiques devenues monnaie courante au sein de la Constituante, nous
ne pouvons nous empêcher de poser la question suivante à ceux qui ont bâti leurs
campagnes électorales sur la lutte contre la corruption: «Êtes-vous sûrs que
vous êtes encore légitimes?»