Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès. Néjib Hnane n’est pas loin de faire sienne cette citation de Balzac, du moins en rapport avec le dossier des hommes d’affaires suspectés de corruption et/ou d’enrichissement illicite sous –et, plus ou moins, avec- Ben Ali.
Convaincu qu’«il est erroné d’affirmer que «seule la justice est habilitée à se saisir de ce dossier», le président de la Commission de confiscation des biens mal acquis a proposé, vendredi 10 mai 2013 –devant la Commission de réforme administrative et de lutte contre la corruption de l’Assemblée nationale constituante (ANC)- d’opter pour le règlement amiable comme solution à la «grave question» des hommes d’affaires proches de l’ancien régime.
Ce juge 3ème degré et président du Comité d’appel du tribunal de première instance de Tunis n’est pas contre le traitement judiciaire de ce dossier par principe, mais plutôt par réalisme et nécessité. Car, selon lui, le pays en aura pour «quinze à vingt ans» s’il devait laisser aux juges le soin de traiter les dossiers des quelque 400 hommes d’affaires concernés. Un «luxe» que la Tunisie ne peut pas se permettre, estime M. Hnane.
Pour deux raisons au moins. D’abord, de fortes pressions sont en train d’être exercées sur la Tunisie –notamment, d’après le président de la Commission de confiscation, par la Banque mondiale et la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD)- pour l’inciter à régler ce problème le plus rapidement.
Ensuite, le règlement du dossier des hommes d’affaires hors du circuit judiciaire est imposé par «les intérêts supérieurs du pays», affirme M. Hnen. Pour qui «l’impact (d’une telle démarche, ndlr) sera très important pour l’avenir proche du pays». D’autant que le montant en jeu dans cette affaire est énorme -20 milliards de dinars, d’après le président de la Commission de confiscation. Qui ne seront pas de trop pour aider le pays à résoudre ses énormes problèmes économiques et sociaux.
Cette proposition a été favorablement accueillie par les membres de la Commission de la réforme administrative et de la lutte contre la corruption de l’ANC qui auditionnait M. Hnen pour la deuxième fois en six mois. Qui ont demandé à ce dernier de leur soumettre une proposition de projet de loi pour qu’ils la mettent dans la pipe de l’ANC en vue de son adoption.
En attendant que puisse être lancé le processus de règlement amiable de leurs dossiers, le président de la Commission de confiscation a fait une deuxième proposition visant elle aussi à permettre au pays de pouvoir de nouveau tirer profit de tout le potentiel de son tissu économique: lever les mesures d’interdiction de voyager que ce juge trouve aberrante –«il n’est pas permis de toucher aux libertés dans le cadre de crimes économiques»- et suspecte –elle aurait été prise d’après lui (par le premier gouvernement de transition, en l’occurrence) pour faire de ce dossier «une bombe à retardement»- et la remplacer par le paiement d’une caution.