La loi sur l’emploi : dialogue social apaisé ou multiplication des contentieux ?

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à Paris le 9 avril 2013 (Photo : Jacques Demarthon)

[15/05/2013 09:48:43] PARIS (AFP) La loi de “sécurisation de l’emploi”, désormais votée, doit permettre, selon le gouvernement, un dialogue social “plus apaisé” notamment en cas de plans sociaux, mais des avocats de salariés sont au contraire convaincus que cette nouvelle loi conduira à une multiplication et une complexification des contentieux.

“L’idée est d’avoir sur un certain nombre de sujets qui ont trait à la situation économique et sociale des entreprises un dialogue un peu plus apaisé avec les organisations syndicales”, indique-t-on au ministère du Travail, et “d’éviter une logique de conflictualité”.

Au-delà des mesures visant à la gestion prévisionnelle, “le plus en amont possible”, de l’emploi et des compétences dans les entreprises, la nouvelle loi prévoit que tout plan de sauvegarde de l’emploi décidé in fine par des employeurs devra passer soit par un accord collectif majoritaire négocié avec les syndicats, soit, s’il n’y a pas d’accord possible, être homologué par l’administration.

Cette homologation est au coeur du problème, selon Me Philippe Brun, un avocat engagé de longue date auprès des salariés, car s’il y a “un accord avec les organisations syndicales, on ne va pas le contester ensuite devant le juge”.

“Une décision d’homologation, est-ce un contrôle a minima de la procédure ou un contrôle plein et entier” du plan social, à savoir de “son sérieux et du caractère proportionné du plan social par rapport aux moyens de l’entreprise ou du groupe”, s’interroge l’avocat. “On ne sait pas aujourd’hui ce que dira le juge administratif.”

“S’il y a un contrôle du sérieux du PSE, où l’Etat mettra-t-il le curseur”, ajoute-t-il. “Quel sera sa perception du principe de proportionnalité ?” Des questions pour lui encore sans réponse.

Me Brun admet toutefois que ce texte, fruit d’un “accord scélérat entre le PS et le Medef”, pourrait être une arme à double tranchant. “Si vous avez un Etat exigeant, ça poussera les chefs d’entreprise à se mettre autour de la table de négociations. Ils n’auront pas le choix”, concède-t-il.

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é Marisol Touraine et le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg à Matignon le 13 mai 2013 (Photo : Bertrand Guay)

Au ministère, on insiste sur le fait que l’homologation “va juger du respect de la procédure, du contenu du PSE qui sera au coeur du contrôle et de la proportionnalité entre ce contenu et les moyens dont disposent l’entreprise et son groupe”. “Une entreprise qui appartient à un groupe qui a des moyens, quand bien même elle serait en difficulté, devra consacrer beaucoup plus de moyens au PSE et donc à l’accompagnement et au reclassement de ses salariés qu’une petite entreprise en liquidation judiciaire”, précise-t-on.

“Un boomerang”

“S’il n’y a pas de proportionnalité, il n’y aura pas de licenciements”, l’homologation sera refusée. Il faudra alors que l’entreprise reprenne la procédure et revienne avec un PSE qui soit à niveau”, ajoute le ministère. En revanche, “on ne va pas juger le motif économique du licenciement qui renvoie toujours à un contentieux individuel”.

Me Fiodor Rilov, qui a défendu les dossiers des “Conti” et des salariés de Goodyear, se montre plus radical.

Pour lui, la nouvelle loi “va probablement conduire à une multiplication des contentieux” dans la mesure où elle “affaiblit la protection des salariés”. “Cela va avoir un effet de levier sur l’action judiciaire”, juge-t-il.

“Le texte, à l’origine, c’est le Medef qui l’a confectionné”, ajoute-t-il. “Et je ne suis pas sûr qu’au gouvernement ils aient tout compris de ce que les juristes du Medef ont, avec beaucoup de sophistication et de subtilité, introduit dans l’accord.”

“Mais, ça va leur revenir comme un boomerang parce que, dans quelques semaines, ils vont se rendre compte que, dans un certain nombre de domaines, on a décidé de donner à un employeur des pouvoirs qu’il avait perdu depuis un demi-siècle”, estime l’avocat.

Selon lui, “il faut arrêter de penser qu’on vit dans un monde de bisounours où les employeurs n’attendent que de pouvoir s’asseoir à la table des négociations pour trouver des compromis intelligents avec les syndicats”. “Aujourd’hui, cette nouvelle forme de négociation collective va se faire sous la menace permanente d’un licenciement encore plus important si un accord n’est pas conclu”, juge-t-il.