L’Etat est-il l’otage de sa contrainte budgétaire? Non, ce n’est pas une fatalité, disent les «experts». Une autre voie d’allocation des ressources publiques est possible. L’Etat peut créer un générateur perpétuel de capital via un fonds souverain, qui peut pourvoir aux appels de financement des investisseurs privés. Cette solution garantirait une dynamique soutenue de l’économie qui sera portée par l’initiative privée. Moins interventionniste, car suppléé par les investisseurs privés, l’Etat sera encore plus impliqué dans la trajectoire du développement car il gardera la main haute sur les choix stratégiques.
L’Etat acceptera-t-il d’œuvrer à son propre reengineering? Et là on s’aperçoit que la priorité économique est, avant tout, affaire de volonté politique.
On connaît les vertus de la démocratie, mais gardons à l’esprit que sa propriété fondamentale est de favoriser les conditions propices au développement. C’est ce qui a émergé de la table ronde organisée ce mercredi 15 mai par le groupe wemanagercenter.com, à l’effet de se mettre en ligne avec l’actualité du moment.
Booster le développement revient à accélérer l’investissement. Somment s’y prendre?
Un Etat catalyseur, la clé du nouveau modèle économique
L’Etat a la responsabilité du développement. Telle est sa mission. Comment pourra-t-il, dès lors, procurer les ressources rares en capital, pour financer un développement soutenu? Compte tenu de l’étendue du chômage et de l’ampleur des disparités régionales, il est impératif que la croissance se hisse à des paliers élevés.
Nécessité fait loi, l’Etat doit camper sur une posture précise, celle de catalyseur de l’investissement privé. Il est tenu, dans ces conditions, d’une révision fondamentale de ses prérogatives et de son rôle.
L’Etat doit se réformer en profondeur pour réaliser la refondation économique du pays. Son périmètre d’intervention devra rétrécir pour laisser plus de champ au privé, seul capable de structurer l’activité économique avec le punch requis et l’efficience recherchée.
L’Etat doit répondre des conditions de nature à favoriser les conditions propices au développement économique et à la liberté d’initiative.
Le fonds souverain, un trésor de guerre
A l’aube de l’indépendance, l’Etat a cherché à hâter la Tunisie à être le pays des opportunités hautement prometteuses, des potentialités encourageantes. Hélas, des occasions perdues. Trop d’étatisme étouffe l’initiative privée; trop de dirigisme ne conduit qu’à l’immobilisme. Et puis un secteur privé, sous-capitalisé, ne peut que se heurter aux difficultés d’accès au financement bancaire, nécessaire mais insuffisant pour accélérer la transformation économique du pays, confirmer son émergence et achever son développement.
Un appel de capital serait du meilleur effet, et la promotion d’un fonds souverain pour procurer du capital aux investisseurs privés rétablirait d’office leur coefficient d’endettement et lèverait l’hypothèse de l’adversité au risque du secteur bancaire.
Un fonds souverain à vocation de développement -promu comme fonds des fonds, pour générer des sous-fonds par filière et même pour des régions- serait une solution globale et durable pour avoir un investissement professionnel, durable et équilibré. De la sorte, le titre II du budget n’accablera plus l’Etat qui n’aura plus à s’endetter, pour financer le développement.
Un pouvoir fort pour des choix courageux : désir d’avenir
Pour faire des choix de réforme, courageux, il faut un pouvoir fort, s’appuyant sur une solide légitimité électorale. La transition, de ce point de vue, n’aura que trop duré. Le nouveau pouvoir doit arrêter des choix économiques précis et s’y tenir.
Est-il nécessaire que le pays se dote d’une instance nationale de planification? Quand on parle d’une telle structure, on ne pense pas à Gosplan, nos lecteurs l’auront compris. Mais il s’agit d’un think tank qui baliserait des choix sur lesquels l’économie pourrait se structurer.
Singapour a fait pareil. C’est Lee Kuan Yew qui a assumé cette tâche ingrate mais salvatrice. Pays démuni, au début des années 60, Singapour a réalisé un PIB de 260 milliards de dollars en 2011, soit le total des PIB des trois pays du Maghreb central réunis. Il dépasse le PIB par habitant de la France!
Cette vision pour un nouveau modèle économique, à laquelle ont réfléchi nos invités, a pour elle d’être cohérente. Est-elle réalisable? Là est le challenge! Identifier des objectifs et professionnaliser l’investissement aux standards du marché ne seraient pas a priori hors de notre portée.
Nous remercions nos invités pour avoir répondu à notre invitation de débattre de la question lors de de notre table ronde, avec leur ouverture d’esprit, leur expertise et un remarquable dévouement au service de la Tunisie.
Toute notre gratitude à Eileen Murray, directrice à la BM, Aicha Enneifer, DG de Diva Sicav, Fadhel Abdelkefi, président de la Bourse de Tunis et DG de Tunisie Valeurs, Jamel Belhaj, président de la Caisse des Dépôts et consignations, Mehdi Khemiri, DG de Kapital Ease Fund, Cyril Grislain Karray, consultant et ex-directeur au cabinet Mac Kinsey international, Pr Mohamed Haddar, président de l’ASSECTU, et naturellement à Jalloul Ayed, ministre des Finances dans les gouvernements de Mohamed Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi.
En l’espace d’une matinée d’échanges, on a eu droit à un exercice de prospective de haute facture.