Tunisie : Wided Bouchamaoui défend les hommes d’affaires bec et ongles

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«Les chefs d’entreprise, hommes et femmes, ont été la cible de campagnes de dénigrement et même de criminalisation; certains ont même essayé de les dépeindre comme des suceurs de sang et de les rendre responsables de tous les maux et catastrophes, ignorant leur rôle historique dans la construction de l’Etat depuis l’indépendance et dans le rang respectable atteint (par le pays) dans plus d’un domaine». Ce devait être là le seul passage de son discours prononcé par Wided Bouchamaoui, lors de la conférence de dialogue national pour la relance de l’économie, organisée samedi 11 mai 2013 par l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA).

Mais emportée par son élan –comme si elle avait mangé du lion-, la présidente de la centrale patronale historique est sortie du texte et est allée plus loin, adoptant un ton combatif, presque martial. Certes, Mme Bouchamaoui n’a pas fait clairement référence aux hommes d’affaires proches de l’ancien régime et faisant l’objet de sanctions –interdiction de sortie du pays, et confiscation de leurs entreprises et biens-, mais c’est sur ce registre là que les trois «présidents» -Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaafar et Ali Laarayedh- lui ont répondu en exprimant leur désaccord avec elle, et, notamment, avec l’image un tant soit peu «angélique» qu’elle a donné de tous ses pairs sans exclusion.

«Restituer les richesses pillées est une revendication populaire», lui a rappelé le président Marzouki en affirmant, toutefois, que le règlement du dossier des hommes d’affaires ayant plus ou moins, d’une façon ou d’autre, profité de leurs relations avec l’ancien régime –qui, d’après le chef de l’Etat, ne représentent que «0,4%» de l’ensemble des entrepreneurs- nécessite «un traitement audacieux».

Le locataire du Palais de Carthage propose une solution en deux temps : «la levée des mesures d’interdiction de voyage et la mise en place d’un mécanisme de règlement amiable», d’un côté, et, de l’autre, «la réparation du dommage subi par l’Etat et le Trésor de l’Etat».

Ensuite, l’Etat et le secteur privé doivent, selon lui, «conclure un accord conformément auquel le premier “met en place un cadre et un climat favorables“ à l’investissement, et le second “fait ce qui est attendu de lui dans ce contexte“ et “paie ses impôts, ce qu’il ne fait pas actuellement“ et “s’abstient d’ingérence dans le politique“».

Equilibré, lui aussi, dans sa manière d’appréhender ce dossier, Dr Mustapha Ben Jaafar a, d’abord, réaffirmé la nécessité d’accorder à l’investisseur tunisien tous les «encouragements» et lui assurer «les conditions propices» au développement de son activité. Ensuite, pour le président de l’Assemblée nationale constituante (ANC), il faudrait, ensuite, demander des comptes aux «corrompus», et, enfin, «penser à la réconciliation nationale» dont le cadre, rappelle-t-il, est en train de se mettre en place: la justice transitionnelle. Grâce à laquelle on devrait trouver «la formule permettant aux hommes d’affaires de contribuer» à la relance de l’économie du pays.

Et pour commencer à «tourner la page», le président de l’ANC appelle à «lever les mesures d’interdiction de voyage» frappant certains d’entre eux.

Outre sa vision pessimiste de la situation dans le pays –«elle n’a pas la noirceur que Mme Bouchamoui décrit»- affirme-t-il-, le chef du gouvernement ne partage pas la manière dont la présidente de l’UTICA présente le dossier des hommes d’affaires –puisque, rappelle-t-il, «seul un petit nombre est concerné par des affaires en cours de traitement dans le cadre de la justice»-, et, surtout, son affirmation concernant leur rôle dans la création de la richesse. «Nous sommes tous des enfants de la Tunisie et sommes tous des producteurs de richesse chacun dans son domaine», clame-t-il.

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