Mediator : un des plus grands scandales sanitaires français au tribunal

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Jacques Servier, le fondateur des laboratoires Servier, le 14 mai 2012 au tribunal de Nanterre (Photo : Martin Bureau)

[21/05/2013 04:38:47] NANTERRE (AFP) Le premier procès pénal du Mediator, un médicament accusé d’avoir déjà causé des centaines de morts en France, reprend mardi devant le tribunal correctionnel de Nanterre après avoir tourné court il y a un an pour des raisons de procédure.

Selon un rapport d’experts judiciaires rendu public en avril, le Mediator, commercialisé de 1976 à 2009 en France, pourrait à long terme causer 1.300 à 1.800 morts uniquement par valvulopathie.

Quelque 700 parties civiles demandent réparation à Nanterre, sans attendre l’issue de l’instruction menée parallèlement par le parquet de Paris sur les mêmes faits. Ces victimes présumées ont misé sur une procédure rapide: une citation directe pour “tromperie aggravée” dans laquelle leur revient la tâche d’apporter les preuves, sans avoir accès aux investigations parisiennes.

Elles reprochent à Jacques Servier, 91 ans, fondateur des laboratoires du même nom, de les avoir “délibérément” trompées sur la composition de ce médicament destiné aux diabétiques, mais largement prescrit comme coupe-faim. Les malades n’auraient pas été informés de “la nature anorexigène” de son principe actif, le Benfluorex à l’origine du développement de valvulopathies (déformation des valves cardiaques) et d’hypertension artérielle pulmonaire, une pathologie rare actuellement incurable.

Me Charles Joseph-Oudin, conseil d’une centaine de parties civiles à Nanterre, espère que “les Laboratoires Servier n’essayeront plus de mettre des bâtons dans les roues de la machine judiciaire”.

Le procès, qui avait débuté le 14 mai 2012, avait en effet très vite tourné court. Le tribunal avait accepté de transmettre à la Cour de cassation une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), soulevée par la défense. M. Servier contestait qu’il puisse être jugé à Nanterre alors qu’il est parallèlement mis en examen pour des faits similaires à Paris. La haute juridiction a toutefois refusé de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel.

Un nouveau rendez-vous manqué?

“ll y a un risque que l’affaire ne soit encore pas jugée au fond cette fois-ci”, estime Me Juliette Nattier, avocate d’une trentaine de victimes présumées.

La défense de Servier va en effet engager une nouvelle bataille procédurale, susceptible d’entraîner un nouveau renvoi du procès.

“Nous souhaitons qu’une expertise judiciaire autonome soit faite à Nanterre ou à défaut la communication de tous les éléments recueillis dans le cadre des expertises en cours à Paris”, indique Me Hervé Temime. Il va aussi demander “un complément d’information permettant au tribunal d’apprécier le rôle des autorités sanitaires dans la tromperie dénoncée à Nanterre”. L’Agence du médicament a en effet été mise en examen en mars dernier pour “homicides et blessures involontaires”, les juges d’instruction parisiens la soupçonnant d’avoir négligé les alertes sur la dangerosité du Mediator.

Interrogé sur la présence de Jacques Servier à l’ouverture des débats, son conseil n’a pas souhaité répondre. Le fondateur des laboratoires, dont l’état de santé reste fragile, avait répondu la semaine dernière à BFMTV qui l’interrogeait près de son domicile: “On s’en fout du procès”, avant de s’excuser pour cette déclaration.

Certains conseils de victimes présumées préfèreraient aussi que le procès soit renvoyé dans l’attente de la fin de l’instruction parisienne. “Je ne suis pas là pour défendre Servier, mais il est dommage de se priver d’une instruction de qualité qui devrait être bouclée rapidement”, estime Me Jean-Christophe Coubris.

Mais, pour la plupart des parties civiles, il y a urgence à statuer, notamment du fait de l’âge du principal prévenu.

Elles disposent de plusieurs pièces maîtresses comme les annexes du rapport accablant de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) qui estime que le retrait du Mediator “aurait pu être décidé dès 1999”, soit dix ans avant sa disparition du marché.

Jacques Servier, ainsi que les quatre anciens cadres de Servier et sa filiale Biopharma jugés à ses côtés à Nanterre, encourent quatre ans de prison et une amende de 75.000 euros; Servier et Biopharma, en tant que personnes morales, une amende de 375.000 euros ainsi qu’une interdiction d’exercer.