«L’endettement est un des facteurs du développement». Convié, mardi après-midi 21 mai 2013, à un débat avec les membres de l’Assemblée nationale constituante (ANC), sur l’accord de prêt Stand-By que les autorités sont en train de négocier avec le Fonds monétaire international (Fmi), le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Chedly Ayari, et le ministre des Finances, Elyès Fakhfakh –accompagnés de Ridha Saïdi, ministre auprès du chef du gouvernement, chargé des Affaires économiques- ont rivalisé de formules pour convaincre les représentants du peuple de la justice et de l’inéluctabilité de ce choix.
Conscient d’avoir affaire à un auditoire aux connaissances très inégales en matière de finances publiques en général et de budget de l’Etat en particulier, le ministre des Finances a adopté une démarche très didactique pour expliquer –et justifier- le recours au prêt Stand-By, ses conditions, la manière dont il va être utilisé, ses implications pour l’endettement du pays, etc.
Il y a encore quelques mois, on ne pensait pas que la Tunisie allait devoir avoir recours à cette solution pour boucler le schéma de financement de son budget. En 2012, le problème ne s’était pas posé parce que la Tunisie a pu contracter quatre prêts (Qatar, BIRD, BAD et marché international, grâce à la garantie octroyée par les Etats-Unis) totalisant 1.985 millions de dollars.
Il n’en sera pas de même en 2013. Pour trois raisons. D’abord, le déficit budgétaire s’est depuis creusé, passant de 3,8% du Produit intérieur brut en 2011, à 5,3% en 2012 et devrait, selon les projections officielles, s’établir à 5,9% en 2013.
Ensuite, la Tunisie n’ayant pas réalisé dans leur intégralité les deux programmes de réformes convenues avec les autres bailleurs de fonds multilatéraux (Banque mondiale et Banque africaine de développement) pour 2011 et 2012 –le premier a été, selon Elyès Fakhfakh, réalisé à 80% et le second à seulement 50%-, elle ne peut plus les solliciter. D’autant que, troisième raison, la note souveraine de la Tunisie a été depuis dégradée par les agences de notation.
De plus, l’émission de Soukouks islamiques –pour 1 milliard de dinars-, une autre composante du schéma initial de financement du budget de l’Etat, ne pouvant fort probablement pas être émis cette année –en raison du retard pris dans l’élaboration du projet de loi y afférent-, le schéma de financement initial s’est trouvé «fragilisé». D’où l’inévitable recours au FMI.
Un recours qui implique un engagement plus fort de la Tunisie en ce qui concerne les réformes structurelles –nécessaires même indépendamment de l’accord de prêt- qui vont devoir être déroulées dans quatre domaines : le secteur bancaire –qui ne pourra pas continuer à financer l’économie, à hauteur de 50%, si «ses faiblesses actuelles persistent», observe le ministre des Finances-, le budget –qui doit être rééquilibré et «orienté vers le développement», notamment en revoyant le système de subvention des produits de base-, l’investissement et le développement régional, et, enfin, la bonne gouvernance –à instaurer- dans le secteur public et la réforme de l’administration.
Bien qu’il ait assez fortement cru au cours des deux dernières années, l’endettement de la Tunisie n’a pas encore atteint le niveau à partir duquel il deviendrait inquiétant. «Nous sommes passés de 40% en 2010 à 44% aujourd’hui et on devrait être à 46% fin 2013», indique le ministre des Finances. Pour qui on est encore loin de certains pays ayant le même niveau de développement que la Tunisie, comme le Maroc (58%) et la Jordanie (75%). Un point de vue partagé par le gouverneur de la BCT qui fonde son optimisme sur les conclusions d’un livre récemment paru aux Etats-Unis dont l’auteur a étudié les cas d’endettement dans le monde sur deux siècles et «a conclu que celui-ci ne devient inquiétant que lorsqu’il atteint la barre des 90%».