Christine Lagarde s’explique devant la Cour de justice de la République

photo_1369293826074-5-1.jpg
à la Cour de justice de la République, le 23 mai 2013 à Paris (Photo : Lionel Bonaventure)

[23/05/2013 07:25:30] PARIS (AFP) L’ex-ministre de l’Economie Christine Lagarde s’est rendue jeudi matin à la Cour de justice de la République (CJR) pour défendre sa décision de recourir en 2007 à un arbitrage et coûteux pour régler le contentieux avec Bernard Tapie sur la vente d’Adidas.

Souriante, tailleur marine et étole turquoise, l’ex-ministre de l’Economie de 2007 jusqu’à sa nomination au FMI en 2011 a salué la trentaine de journalistes qui l’attendaient derrière des barrières.

Mme Lagarde, forte de “la confiance” des autorités françaises, est convoquée devant les magistrats de la CJR pour justifier le recours à un tribunal arbitral qui octroya 285 millions d’euros à Bernard Tapie (400 millions avec les intérêts). Son audition pourrait se poursuivre jusqu’à vendredi et elle risque une mise en examen pour “complicité de faux et de détournement de fonds publics”.

Pour autant, “Mme Lagarde conserve toute la confiance des autorités françaises et la mienne”, a déclaré mercredi à l’AFP le ministre de l’Economie, Pierre Moscovici.

De son côté, le FMI avait diffusé fin mars un communiqué dans lequel son conseil d’administration réitérait sa “confiance” dans les capacités de sa directrice générale à assumer “efficacement ses fonctions”, quelques jours après la perquisition de son domicile.

M. Moscovici a par ailleurs annoncé mercredi que Bercy envisageait de déposer ultérieurement “un recours en nullité” contre l’arbitrage rendu en 2008. Il prévoit aussi de se constituer partie civile dans l’enquête sur le volet non ministériel du dossier “s’il s’avérait que les intérêts de l’État ont été lésés”.

photo_1369284212954-5-1.jpg
évrier 2008 (Photo : Georges Gobet)

Bernard Tapie s’est dit, lui, “pas du tout inquiet”, expliquant jeudi sur la radio Europe 1 qu’il ne se sentait “pas concerné” par la comparution de Mme Lagarde. Il s’est dit confiant dans le fait que l’arbitrage dont il a bénéficié ne sera pas remis en cause.

Lors de son audition devant la Commission d’instruction de la CJR, Mme Lagarde devrait détailler ses décisions, du choix d’un arbitrage en 2007 jusqu’à celui de renoncer à tout recours contre la décision du tribunal arbitral, malgré des avis contraires.

Le 7 juillet 2008, ce tribunal a condamné le Consortium de réalisation (CAR), organisme public gestionnaire du passif du Crédit Lyonnais, à verser 285 millions d’euros (400 millions avec les intérêts) à Bernard Tapie.

Le choix d’un arbitrage, décidé dans son principe quand Jean-Louis Borloo était ministre de l’Economie en mai 2007, a été entériné par Christine Lagarde en septembre/octobre 2007.

“L’arbitrage permettait de clore l’ensemble des neuf procédures en cours, les deux parties stipulant, dans le compromis, qu’elles acceptaient de se désister et renonçaient à toute instance ou action”, avait-elle expliqué en septembre 2008 devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale.

Priée de dire si elle avait évoqué cette décision avec le président Nicolas Sarkozy, elle avait répondu par la négative, précisant “qu’aucune instruction n’avait été donnée”.

Les reproches de la Cour des comptes

Le choix de l’arbitrage a été plusieurs fois contesté dès 2007.

Ainsi en février puis en mai 2007, l’Agence des participations de l’État (ALE) avait “fortement déconseillé” une telle orientation, selon un rapport de la Cour des Comptes sur l’affaire révélé par Médiapart.

photo_1369291632490-5-1.jpg
énéral de la Cour de cassation, le 29 avril 2009 à Bordeaux (Photo : Jean-Pierre Muller)

Dans son rapport, la Cour notait par ailleurs que le compromis d’arbitrage signé le 16 novembre 2007 était différent du texte validé par le conseil d’administration du CDR.

Le projet d’arbitrage ne comportait pas la qualification de “préjudice moral” pour qualifier la demande des époux Tapie, ce qui leur a permis de toucher 45 millions sur ce point.

La Cour des comptes s’était aussi interrogée sur le choix des trois arbitres.

Après la Cour des comptes, c’est au printemps 2011 le procureur général de la Cour de cassation, à l’époque Jean-Louis Nadal, qui formule plusieurs griefs envers Mme Lagarde lors de la saisine de la CJR.

Il lui reproche d’avoir recouru à un arbitrage privé alors qu’il s’agissait de deniers publics, d’avoir eu connaissance de la partialité de certains juges arbitres, d’avoir fait modifier le protocole initial pour y intégrer la notion de préjudice moral et de ne pas avoir exercé de recours contre cet arbitrage controversé.

La Commission des requêtes de la CJR, en décidant de l’ouverture d’une enquête en août 2011, avait elle-même évoqué un processus comportant “de nombreuses anomalies et irrégularités”.

En parallèle de l’enquête de la CJR, trois juges d’instruction conduisent une information judiciaire sur le volet non-ministériel de l’affaire, pour “usage abusif des pouvoirs sociaux et recel de ce délit”.