Les dons pour appâter les Tunisiens… Cas de l’énergie solaire

energie-solaire-belkhamsa-2013.jpgUne certitude : la Tunisie, de l’avis des experts internationaux, dispose d’un fort potentiel en énergie solaire concentrée* (ESC). En dépit de la disponibilité d’un Plan solaire tunisien, le gouvernement n’a pas jugé, jusque-là, indispensable de régir ce secteur par une réglementation incitative. L’objectif du gouvernement tunisien consiste à attendre les résultats des travaux de recherches engagés, à l’échelle mondiale, dans ce domaine, et à tirer, éventuellement, le meilleur profit des technologies up to date qui seront mises au point et d’exploiter industriellement cette source d’énergie.

Cette vision des choses ne serait pas du goût des investisseurs étrangers. Convaincus du fait que l’ESC constitue un filon rentable fort rémunérateur en Tunisie, et pressés de faire des affaires, ces investisseurs multiplient, avec le concours d’investisseurs locaux, les opportunités pour convaincre le gouvernement tunisien de l’enjeu d’ouvrir ce marché en miroitant, à l’horizon, des primes comme la création de milliers d’emplois verts, l’attraction de lourds investissements directs étrangers et la contribution à l’autosuffisance du pays en énergie.

En contrepartie, la Tunisie est appelée à améliorer la visibilité de cette filière énergétique, à élaborer une feuille de route dans le sens de la libéralisation de la production de cette énergie, seule condition à même, selon eux, d’attirer de gros investisseurs étrangers.

Dans cette perspective s’inscrit l’organisation, au mois de novembre de chaque année, EnerSol-WSEF 2012, salon international dédié à la promotion des énergies renouvelables et au développement durable.

Ce salon a pour mission de sensibiliser professionnels, décideurs, chercheurs et investisseurs tunisiens et étrangers aux enjeux des énergies vertes et à l’intérêt qu’il y a pour la Tunisie à anticiper sur un éventuel épuisement des énergies fossiles.

Sur ce plan, ce salon a été un franc succès mais la concrétisation de ces résultats butte à l’absence d’une législation devant libéraliser le secteur.

Quid des partenaires économiques de la Tunisie… ?

Pour contourner cet obstacle, les investisseurs étrangers vont compter sur l’appui de leurs gouvernements. En fins stratèges, ces derniers vont œuvrer à appâter les autorités énergétiques tunisiennes par des dons.

Ce n’est pas un hasard si en l’espace de deux ans, les principaux partenaires de la Tunisie se sont bousculés pour offrir divers dons dédiés à la promotion de l’énergie solaire.

Pour ne citer que le plus récent, la France, premier partenaire commercial de la Tunisie, a mobilisé 1,7 million d’euros de dons du Trésor au bénéfice de quatre projets publics innovants dans les énergies solaires en Tunisie. Il s’agit de générateurs solaires photovoltaïques à concentration pour le pompage et l’irrigation en zone aride (Kébili), d’une centrale photovoltaïque pour l’alimentation d’une station d’épuration dans le gouvernorat de Gabès, d’un démonstrateur de 50 kW de technologies photovoltaïques à concentration avec une solution de stockage et de lissage de la production sur le site de l’École nationale des ingénieurs de Tunis (ENIT), d’une centrale e solaire thermodynamique à miroirs de Fresnel d’environ 3 MW au bénéfice de la Société tunisienne d’électricité et de gaz (STEG).

L’Allemagne est également de la partie. Elle a décidé d’agir en amont en investissant dans les ressources humaines. A cette fin, le gouvernement allemand vient d’accorder à la Tunisie un don de 1 million d’euros destiné au financement d’un centre de formation professionnelle, actuellement en cours de réalisation à Tataouine. Ce centre sera spécialisé dans les métiers en relation avec le solaire et l’éolien. Les jeunes qui y seront inscrits recevront une formation dans la construction, la réparation et l’installation des équipements solaires et éoliens. Ce centre, qui sera équipé par les Allemands, a pour objectif de préparer les ressources humaines et les jeunes au boom que vont connaître les énergies renouvelables en Tunisie.

Avant la France et l’Allemagne, le Japon avait octroyé à la Tunisie un don de 3 milliards de yens (environ 50 millions de dinars) et lui a fourni une technologie japonaise développée dans le domaine de la production de l’électricité à travers l’énergie solaire.

Il s’agit d’une contribution à la réalisation de la première étape de la centrale thermo-solaire qui sera installée à El Borma (extrême sud de la Tunisie).

L’Agence publique japonaise NEDO (New Energy and Industrial Technology Development organisation), active dans le domaine des énergies renouvelables et des technologies industrielles, a été chargée de la réalisation d’un générateur de vapeur thermo-solaire d’une puissance de 5 MW.

Le générateur dont le coût de construction est estimé à 55 millions de dinars (selon les études préliminaires) est l’une des composantes de la centrale à cycle combiné dont la capacité totale est de 40 MW.

L’entrée en service de cette centrale électrique, qui permettra de créer entre 500 et 1000 emplois, est prévue pour le deuxième semestre de 2013.

C’est pour dire in fine que l’appât du don dédié à l’ESC constitue, pour les bailleurs de fonds et les partenaires de la Tunisie, un mécanisme de choix pour pénétrer nos filières et marchés, préparer le terrain à leurs investisseurs avant de nous mettre, dans une ultime étape, devant le fait accompli, à savoir celui de s’endetter lourdement auprès d’eux afin de financer les gros projets de production.

Le processus est hélas toujours le même : le don comme appât et le prêt comme objectif final.

A méditer.

—————————