à la Cour de justice de la République, le 23 mai 2013 à Paris (Photo : Lionel Bonaventure) |
[23/05/2013 15:07:57] PARIS (AFP) Christine Lagarde défendait jeudi devant la justice sa décision de recourir en 2007 à un arbitrage privé pour régler le contentieux avec Bernard Tapie sur la vente d’Adidas, une audition cruciale pour l’ex-ministre de l’Economie menacée d’une mise en examen.
Mme Lagarde, à Bercy de 2007 jusqu’à sa nomination au FMI en 2011, était toujours entendue vers 16H00 par les magistrats de la Cour de justice de la République (CJR), plus de sept heures après le début de son audition, qui pourrait se poursuivre vendredi.
La patronne du FMI pourrait être placée sous le statut de témoin assisté, ou mise en examen pour “complicité de faux et de détournement de fonds publics”.
Mme Lagarde, forte de “la confiance” du FMI et des autorités françaises, est venue justifier le recours à un tribunal arbitral qui octroya 400 millions d’euros avec les intérêts à Bernard Tapie en 2008.
évrier 2008 (Photo : Georges Gobet) |
“Mme Lagarde conserve toute la confiance des autorités françaises et la mienne”, avait déclaré mercredi le ministre de l’Economie Pierre Moscovici.
Le conseil d’administration du FMI “a été informé de cette affaire, y compris récemment, et continue d’exprimer sa confiance dans les capacités de la directrice générale à assumer efficacement ses fonctions”, a dit jeudi un porte-parole.
Najat Vallaud-Belkacem, porte-parole du gouvernement, avait dit auparavant avoir “tendance à considérer” qu’en cas de mise en examen, Christine Lagarde se verrait “sans doute” demander par le FMI de quitter ses fonctions.
M. Moscovici a par ailleurs annoncé mercredi que Bercy envisageait de déposer ultérieurement “un recours en nullité” contre l’arbitrage rendu en 2008.
Mme Lagarde, lors de son audition, devait détailler ses décisions, du choix d’un arbitrage en 2007 jusqu’à celui de renoncer à tout recours contre la décision du tribunal arbitral, malgré des avis contraires.
Le 7 juillet 2008, ce tribunal a condamné le Consortium de réalisation (CDR), organisme public gestionnaire du passif du Crédit Lyonnais, à verser 285 millions d’euros (environ 400 millions avec les intérêts) à Bernard Tapie.
énéral de la Cour de cassation, le 29 avril 2009 à Bordeaux (Photo : Jean-Pierre Muller) |
Le choix d’un arbitrage, décidé dans son principe quand Jean-Louis Borloo était ministre de l’Economie en mai 2007, a été entériné par Christine Lagarde en septembre/octobre 2007.
“L’arbitrage permettait de clore l’ensemble des neuf procédures en cours, les deux parties stipulant, dans le compromis, qu’elles acceptaient de se désister et renonçaient à toute instance ou action”, avait-elle expliqué en septembre 2008, devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale.
Priée de dire si elle avait évoqué cette décision avec le président Nicolas Sarkozy, elle avait répondu par la négative, précisant “qu’aucune instruction n’avait été donnée”.
Bernard Tapie, interrogé jeudi sur Europe 1, a dit n’être “pas du tout inquiet” et ne se sentir en rien concerné par l’audition de Mme Lagarde.
Les reproches de la Cour des comptes
Le choix de l’arbitrage a été plusieurs fois contesté dès 2007.
Ainsi en février puis en mai 2007, l’Agence des participations de l’État (APE) avait “fortement déconseillé” une telle orientation, selon un rapport de la Cour des Comptes sur l’affaire révélé par Mediapart.
Dans son rapport, la Cour notait par ailleurs que le compromis d’arbitrage signé le 16 novembre 2007 était différent du texte validé par le conseil d’administration du CDR.
Le projet d’arbitrage ne comportait pas la qualification de “préjudice moral” pour qualifier la demande des époux Tapie, ce qui leur a permis de toucher 45 millions sur ce point.
La Cour des comptes s’était aussi interrogée sur le choix des trois arbitres.
Après la Cour des comptes, c’est au printemps 2011 le procureur général de la Cour de cassation, à l’époque Jean-Louis Nadal, qui formule plusieurs griefs envers Mme Lagarde lors de la saisine de la CJR.
Il lui reproche d’avoir recouru à un arbitrage privé alors qu’il s’agissait de deniers publics, d’avoir eu connaissance de la partialité de certains juges arbitres, d’avoir fait modifier le protocole initial pour y intégrer la notion de préjudice moral et de ne pas avoir exercé de recours contre cet arbitrage controversé.
En parallèle de l’enquête de la CJR, trois juges d’instruction conduisent une information judiciaire sur le volet non-ministériel de l’affaire.