Tunisie – Cour des comptes ISIE : «Si les élections ont été transparentes, la gouvernance de l’ISIE ne l’était pas autant»

isie_cour-des-comptes-2013.jpg

Action/Réaction. Il en est ainsi de la Tunisie post-soulèvement. Les instances officielles agissent, les instances civiles réagissent. C’est valable s’agissant des constituants et des partis d’opposition face aux actions du gouvernement, c’est d’autant plus valable aujourd’hui pour l’ISIE et la Cour des comptes. La première, comptant organiser ce vendredi 25 une conférence de presse pour répondre aux déclarations de la deuxième lors d’un point presse à propos de la mission de contrôle effectuée à l’Instance supérieure indépendante pour les élections.

Car, alors que l’ISIE a considéré que «l’organisation des élections par l’instance a été de l’avis de tous les observateurs une véritable réussite, grâce aux efforts conjugués de plusieurs parties dont le gouvernement provisoire et la société civile et politique… et que le personnel de l’Instance supérieure indépendante pour les élections a été particulièrement dévoué dans l’accomplissement de leur mission», la Cour des comptes, elle, affirme avoir rencontré nombre de difficultés lors de sa mission de contrôle de la gestion de l’Instance, des phases pré-électorales, électorales et postélectorale en raison de la «disparition» de son personnel dès la fin des élections. 

«L’équipe d’audit chargée d’effectuer les opérations de contrôle a constaté le départ hâtif de tous les cadres qui ont supervisé la tenue des élections. Elle a également reçu tardivement les données et documents nécessaires pour sa mission de contrôle pour ne citer que le dépouillement financier livré au mois de mars 2013, le registre des procès verbaux de l’instance centrale, remis en octobre 2012 ainsi que les rapports financiers de nombre d’instances sises à l’étranger.

Ainsi, sous prétexte que tous les candidats au poste de directeur administratif et financier avaient un rapport de près ou de loin avec le RCD, ils ont non seulement été écartés mais le poste lui-même n’a pas été attribué. Mieux encore, l’instance a décidé le cumul entre les responsabilités des membres de  l’instance centrale et celles des services financiers et administratifs. Est-ce ce que nous appelons un conflit d’intérêt? La Cour des comptes n’a apparemment pas apprécié.

La Cour des comptes reproche également à l’ISIE de ne pas avoir mis en place un guide de procédures administratives et financières à l’intention des membres de l’Instance centrale ainsi que le fait de ne pas avoir nommé un expert-comptable. L’Instance a rejeté toutes les candidatures à ce poste et refusé de soumettre toutes les données se rapportant au budget à l’équipe d’audit interne.

Pour information, les primes accordées aux membres de  l’instance centrale ont atteint les 739.000 dinars et 4 MDT à ceux des instances régionales. Les membres des instances, toutes catégories confondues, ont vu leurs primes s’élever à respectivement 5.000 et 2.000 dinars tunisiens. Le but aurait, semble-t-il, été d’éviter tout écart, de prévenir les risques de corruption et de compenser le manque à gagner pour les volontaires venus du secteur privé pour assurer des missions au sein de l’ISIE.

Ces arguments restent toutefois peu convaincants car les personnes prédisposées à se vendre ne se satisferont d’aucune gratification quels qu’en soient le montant et l’importance. Ensuite, les personnes issues du secteur privé sont censées être des volontaires et assumer leurs choix. Pour terminer, si le moindre doute existe à propos de l’intégrité des différents personnels enrôlés avant leur recrutement, alors pourquoi l’avoir fait?

Sur un tout autre volet, 478 agents d’exécution ont été enrôlés par l’ISIE et dont les charges ont atteint les 2,2 MDT, outre 118 agents détachés de la fonction publique qui ont bénéficié de 668,5 mille dinars de primes en plus des salaires perçues auprès de leurs différentes administrations.

Quant aux heures supplémentaires, elles ont été évaluées à 787,2 mille dinars. Les sessions de formation ont nécessité le montant de 790 mille dinars, les personnels formés ont pour leur part perçu des primes de l’ordre de 1,7 MDT.

 La Cour des comptes a également relevé qu’il n’y a pas eu coordination entre les différents services de l’ISIE pour ce qui est du choix des centres de formation qui dispenseraient les sessions de formation au même prix. La conséquence en a été que les prix ont été différents d’un centre à un autre, des fois plus chers, d’autres moins chers.

Le plus triste dans tout cela est que l’ISIE a accordé des subventions de l’ordre de 145.000 dinars à 3.632 agents qui  n’ont pas été au rendez-vous, le jour des élections ce qui l’a obligé à recourir dans les régions à 2.535 personnes qui n’ont reçu aucune espèce de formation.

Les dépassements n’ont pour autant pas concerné uniquement la gestion des ressources humaines, elles ont été aussi déroutantes pour ce qui est des acquisitions et de l’achat des équipements. Un exemple frappant: celui de l’achat pour 677.000 dinars de 25.000 flacons d’encre électorale. Une quantité qui pourrait satisfaire aux besoins de 15 millions d’électeurs. Quel en avait été le but?

Nous y reviendrons.