Comme annoncé dès le début, à la lumière de l’expérience d’autres pays ayant eu à affronter ce problème, récupérer les biens et capitaux détournés par un chef d’Etat et sa famille, et cachés, de diverses manières, à l’étranger, est tout sauf un exercice facile. Chedly Ayari, gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT) est en train d’en faire l’expérience.
Certes, une opération comme la récupération du yacht de Belhassen Trabelsi, qui a été présenté vendredi 24 mai 2013 à la presse, lui met un peu de baume au cœur et atténue sa frustration de président de la Commission de récupération des biens à l’étranger. Cette opération est la troisième du genre, après celle d’un autre yacht plus petit, et des 28 millions de dollars de Leila Trabelsi au Liban.
Mais il est clair, comme Chedly Ayari lui-même l’a réitéré jeudi après-midi 23 mai, -lors d’une réunion de tous les acteurs de la lutte contre la corruption en Tunisie, à l’initiative de la Commission de réforme administrative et de lutte contre la corruption- le bilan est plutôt maigre, près de deux ans et demi après la chute de Ben Ali. Et, surtout, les progrès dans la chasse aux biens et capitaux détournés sont inégaux, d’un pays à un autre.
Cette difficulté provient du fait que «nous sommes face à des systèmes judiciaires de pays démocratiques, qui prennent leur temps», souligne le gouverneur de la BCT. Qui a vu plus d’une fois le bouclage d’un dossier retardé par un recours –en appel- de dernière minute auquel les juges sont obligés de donner suite, même le motif mis en avant est à la limite du tragi-comique. Comme lorsque Belhassen Trabelsi affirme avoir été «contraint à s’enrichir».
Totalement dans le noir, au début, au sujet du volume des biens en question, des pays où les capitaux ont été transformés en titre et cachés, y compris à travers des sociétés fictives, les autorités tunisiennes en savent un peu plus aujourd’hui.
Notamment sur les pays, où l’ancien président et son entourage ont caché le magot détourné: Suisse, France, Canada, Emirats Arabes Unis, Libye, etc. Où les choses plus ou moins faciles ou difficiles, selon les points de vue. Et la Suisse est l’un des rares pays où le processus de repérage des biens mal acquis par les clans Ben Ali et Trabelsi se passe le mieux, en attendant leur ultérieur recouvrement et rapatriement. Pourtant, les débuts sont loin d’avoir été faciles.
«Au début, la justice suisse a été très ferme avec nous, puis les choses se sont améliorées», assure le gouverneur de la BCT. Au point que la Suisse pourrait être «le premier pays à nous donner des résultats positifs» dans ce dossier.
De Libye également, commencent à nous parvenir des infos. La commission de recouvrement, présidée par Chedly Ayari, a récemment eu vent de l’amorce de la vente –pour 1 million de dinars libyens, alors qu’il en vaut quatre fois plus, selon le gouverneur de la BCT- d’un bien immobilier, finalement bloquée par les autorités tunisiennes.
Toutefois, la recherche de biens détournés par l’ancienne famille «régnante» se passe moins bien ailleurs. Comme en France et dans les pays du Golfe. Ce qui rend nécessaire une intervention du politique dans ce dossier afin de le débloquer, conseille le gouverneur de la BCT.