OPINION L’effet crémaillère des actes de violence, c’est pour demain

ettadhamen-052013.jpg«Ne prends aucune décision qui ne soit réversible – et méfie-toi de l’effet crémaillère». Ce précepte de gouvernance politique est, aujourd’hui, d’une actualité brûlante en Tunisie. Le ternissement de l’image de la Tunisie comme destination touristique et comme site de production international par l’effet des actes de violence criminels perpétrés, ces derniers temps, par les djihadistes islamistes, est à son paroxysme. La Tunisie est, de nos jours, perçue comme un pays répulsif, voire dangereux.

Pis, les conséquences de la perte de l’image d’un pays serein où “il fait bon de vivre“ ne seront perceptibles que sur une longue période. C’est l’effet crémaillère. Le principe étant: il est très facile de détruire une image mais pour la reconstruire, c’est souvent impossible, en tout cas toujours douloureux.

La succession des actes de violence perpétrés, depuis neuf mois par les djihadistes islamistes, est le moins qu’on puisse dire déconcertante. On peut en citer que quelques uns.

Le 14 septembre 2012, des salafistes djihadistes mènent un assaut meurtrier contre l’ambassade des Etats-Unis à Tunis.

Le 18 octobre 2012, des hordes sauvages lynchent à mort, Lotfi Naghd, coordinateur du parti Nidaâ Tounès à Tataouine.

L’assassinat, début décembre 2012, du gendarme Anis Jelassi, lors d’une confrontation armée, à Djebel Bouchebka, à Kasserine, avec des terroristes relevant de la cellule djihadiste Okba Ibn Nefaâ.

L’assassinat, le 6 février 2013 du leader Chokri Belaïd, secrétaire général du Parti unifié des patriotes démocrates.

Autres actes de violence au cours de la même période : le 29 avril 2012, des mines anti-personnelles concoctées par des terroristes blessent quatre gendarmes et un officier élève de l’armée. Le 2 mai 2013, tenue à Hammamet, fleuron du tourisme tunisien, d’un meeting monstre animé par le prédicateur wahhabite égyptien Mohamed Hassen.

Enfin, la menace des salafistes se réclamant d’Ansar Chariâa de défier les autorités et de tenir, le 19 mai 2013, leur meeting à Kairouan et leur confrontation violente avec la Police à la Cité Ettadhamen (bilan, un mort parmi les salafistes et une dizaine de policiers blessés).

Le cumul de tous ces actes de violence, en l’espace d’une période aussi courte, a valu à la Tunisie d’être classée par les Etats-Unis parmi les 30 pays où règne une insécurité alarmante. Conséquence: le Département d’Etat a hissé le taux de la prime de risque allouée à ses diplomates en poste dans notre pays à 25%. La Tunisie fait ainsi partie de cette liste peu valorisante aux côtés de pays comme la Somalie, Soudan, Syrie et Liban, tous crédités de 25%. Pas très loin de l’Afghanistan, du Pakistan, de l’Irak, du Yémen et de la Libye (crédités de taux allant de 30 à 35%).

Parallèlement, des pays concurrents, en l’occurrence le Maroc, la Turquie, la Grèce, la Croatie, Chypre et autres, s’emploient, actuellement, à courtiser les marchés émetteurs de la Tunisie. L’objectif est de les inciter, moyennant s’il le faut un bradage des prix, à détourner vers eux les touristes qui venaient régulièrement dans notre pays. C’est un gâchis énorme. Les professionnels du tourisme, qui ont travaillé dur pour créer une nouvelle industrie touristique dans le pays et fidéliser, des décennies durant, une précieuse clientèle, devront, par la faute de ces hordes sauvages, cravacher, des années et des années, pour la reconquérir.

Idem pour les investisseurs directs étrangers, ces derniers se disent certes attentistes mais jusqu’à quand ! Il faut dire que l’incompétence du gouvernement en place et son incapacité à maîtriser ces hordes d’autres temps, son indécision notoire et son absence de volonté d’améliorer la visibilité du pays à travers l’adoption d’une Constitution et la validation d’un agenda précis pour les prochaines élections ne manqueront pas, tôt ou tard, de pousser ces investisseurs à opter pour des sites plus attractifs et plus sécurisés.

Cela pour dire, in fine, que l’heure est grave et qu’il y a péril en la demeure. La responsabilité de ces groupuscules violents et de leur protectrice, la Troïka, est ici totale. Les Tunisiens, jusque-là légalistes, ne leur pardonneront jamais d’avoir détruit, en une année, ce qu’ils avaient construit au prix fort, des décennies durant.

Une chose est sûre, ces destructeurs sauvages seront rattrapés un jour par l’Histoire, cette même Histoire qui a toujours prouvé que le terrorisme et ses complices n’ont jamais triomphé. Seules les démocrates sortent vainqueurs.