Quatre millions de Français menacés par un “désert” de stations-service

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Une pompe dans une station-service (Photo : Thomas Samson)

[28/05/2013 11:59:29] PARIS (AFP) Près de quatre millions de Français sont menacés par une “désertification” des stations-service, surtout à la campagne mais aussi jusque dans Paris, a averti mardi la Fédération nationale de l’artisanat automobile (Fnaa), qui doit être reçue la semaine prochaine à l’Elysée.

Depuis 1975, 35.200 stations ont fermé dans l’Hexagone. Cette conséquence de la fin des prix régulés puis de la concurrence des grandes surfaces a conduit à la multiplication de trous dans le réseau national et à des situations compliquées dans plus d’un département sur trois.

Or, selon la Fnaa, 1.600 stations de plus sur les 12.300 qui subsistent pourraient fermer à la fin de l’année, faute selon elle d’avoir les moyens d’installer des cuves à double paroi, une nouvelle norme qui deviendra obligatoire au 1er janvier 2014 afin de réduire les fuites polluantes.

“Le maillage du territoire se désagrège, et si cette crise n’est pas nouvelle, la situation est sans précédent”, a fait valoir le président de la Fnaa, Gérard Polo, lors d’une conférence de presse.

Environ 300.000 personnes n’ont déjà aucune station-service à moins de 10 minutes en voiture de chez eux, et quelque 3,6 millions de plus seront dans ce cas si leur station la plus proche ferme, selon la Fnaa, qui s’appuie sur une récente étude de la Datar.

L’administration de l’aménagement du territoire a en effet recensé 871 stations “ultimes”, dont la disparition plongerait automobilistes, entreprises et services publics “dans une dangereuse situation de désertification”, a souligné la fédération.

D’ores et déjà, un quart de la population doit accomplir plus de cinq kilomètres en moyenne pour atteindre une première station. Dans 38 départements français, l’automobiliste doit rouler “de 15 à 38 minutes” pour en trouver une seconde, selon la Fnaa.

Une prime de service public?

Or, sur les 871 stations recensées, 72% sont des petites stations (250.000 à 500.000 litres vendus par an) plus fragiles économiquement et qui assurent à côté des missions “d’intérêt public” (réparation auto, vente de gaz, épicerie, etc.) dans les campagnes, où neuf trajets sur dix se font en voiture.

Dans un pays moins dense que ses voisins européens, la situation inquiète particulièrement l’Association des maires ruraux de France (AMRF).

“Nous ne sommes pas là pour défendre une corporation mais parce que, pour nous, les carburants c’est quelque chose de vital qui n’a pas le statut de service public mais est un service au public”, a souligné son président Vanik Berberian.

Certaines communes sont désormais contraintes de mettre en place de coûteuses régies publiques de distribution de carburant, a-t-il souligné, citant des exemples dans le Loir-et-Cher ou dans le Lot.

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à une station-service, à Paris en 2000 (Photo : Jack Guez)

Mais le risque de désertification ne se limite pas seulement aux zones rurales. Selon la Fnaa, à cause de nouvelles normes (sur la distance minimale entre une pompe et un immeuble notamment), Paris et la petite couronne ne compteraient plus que 39 stations en 2020, contre 122 actuellement.

Se disant peu écoutés au ministère de l’Ecologie, les professionnels du commerce automobile en appellent désormais à Matignon et à l’Elysée, où la fédération doit être reçue début juin.

La Fnaa, qui regroupe principalement des pompistes indépendants, demande notamment d’étaler entre 2013 et 2017 l’obligation de la double cuve, déjà reportée de 3 ans après une précédente mobilisation.

Mais elle propose aussi des “primes de service public” pour les stations “ultimes” et le redressement des moyens du Comité professionnel de la distribution de carburants (CPDC), un organe chargé de verser des subventions aux stations.

L’an passé, 265 stations ont fermé en France, du fait essentiellement de la part croissante des stations de la grande distribution, qui vendent désormais plus de 60% du carburant en France. Pour stopper l’hémorragie, Total a à son tour lancé une offre à bas prix.

Quant à l’emploi, il est lui aussi en chute libre, avec à peine 19.500 “pompistes” en 2010 (un tiers de moins qu’en 2001), du fait aussi de la forte automatisation des stations.