éducation dues à la crise (Photo : Dani Pozo) |
[28/05/2013 11:50:20] MADRID (AFP) Elle a un diplôme universitaire, cinq ans d’expérience, maîtrise trois langues. Pourtant, chômeuse depuis un an et demi, Paloma Fernandez, une Espagnole de 28 ans, fait partie de cette “génération perdue”, victime de la crise qui frappe sans pitié les plus jeunes.
“Parfois, tu as la sensation de crier ‘Je veux un travail, je veux être obligée de me lever tôt, je veux vivre dans la routine’. On se plaint toujours de la routine mais quand tu n’en as pas, cela te manque”, confie dans un sourire la jeune femme rousse, à la chevelure frisée et aux yeux clairs.
Licenciée en traduction, parlant espagnol, anglais et français, Paloma a perdu en décembre 2011 son emploi au ministère de la Justice. Depuis, elle attend désespérément des réponses à la multitude de CV qu’elle a envoyés pour des emplois de traductrice, d’assistante et même de réceptionniste. Et depuis un mois, elle ne touche plus d’allocations chômage.
Comme elle, dans une Espagne en récession, ils sont des milliers de jeunes, diplômés, frappés par un chômage qui atteint 57,22% des 16-24 ans, contre 27,16% pour l’ensemble de la population active.
“C’est probablement une génération – je ne sais pas si nous devons l’appeler perdue – mais qui va marquer un avant et un après-crise” en matière de consommation et d’habitudes de vie, estime Sara Baliña, du cabinet d’analystes financiers AFI, soulignant “le recul de l’âge de l’émancipation” des jeunes.
Paloma fait partie des plus chanceux: avec son compagnon, lui aussi chômeur, elle loue pour 400 euros par mois, à sa famille, un appartement lumineux dans le quartier de Moratalaz à Madrid, qu’elle devra toutefois quitter le jour où il sera vendu.
Pour ne pas céder aux idées noires, Paloma prend des cours de japonais ou de pilates, donne des cours dans des écoles de langue ou de soutien scolaire, une façon aussi de boucler les fins de mois.
“Tout cela est très incertain. Je ne sais pas quel est mon projet de vie. Je ne peux pas faire de projets à long terme, ni même à court terme”, reconnaît la jeune femme pour qui la simple idée de fonder un jour une famille relève “d’une pure folie”.
Rocio Alarcon, une étudiante de 23 ans qui en juin 2012 a terminé des études de Sciences politiques, sortie troisième de sa promotion, partage ces inquiétudes.
Malgré ce classement brillant, elle n’a pas même trouvé un emploi précaire qui permettrait “d’aider un peu à la maison”, et vit toujours chez ses parents à Getafe, une banlieue populaire de Madrid.
“Sur tous les CV que j’ai envoyés, personne ne m’a rappelé pour me proposer un entretien”, raconte Rocio, qui se heurte toujours aux mêmes obstacles: un haut niveau d’anglais requis, alors que la faiblesse en langues est une des lacunes de l’enseignement en Espagne, et la nécessité d’une expérience préalable.
Rocio espère commencer en septembre un master, avant de tenter à nouveau sa chance. “Je vais chercher du travail là où il y en a. Si c’est en Espagne, c’est bien, si c’est à l’étranger, cela ne me poserait aucun problème”.
Comme elle, des flots de jeunes Espagnols en quête d’emploi tournent le dos à leur pays: selon l’Institut national de la statistique, entre la fin 2011 et mars 2013, l’Espagne a perdu 365.000 jeunes de 16 à 29 ans.
“Cela m’attire d’aller travailler à l’étranger mais aujourd’hui, la question n’est pas d’aimer cela ou non, parce que c’est tout ce qu’il reste. C’est cela le plus dur, la sensation qu’ils t’obligent à partir, que tu n’as pas d’autre choix”, témoigne Paloma.
Mais pour Sara Baliña, ces perspectives d’un avenir prometteur, dans des pays comme l’Allemagne, risquent d’avoir aussi, pour l’Espagne, des effets pervers et d’entraîner la perte “de l’un des éléments fondamentaux pour la croissance, le capital humain”.