ôle emploi le 27 septembre 2013 à Marseille (Photo : Boris Horvat) |
[29/05/2013 09:03:14] PARIS (AFP) Ils veulent “se sentir utiles”, mais aussi “rajouter des lignes” sur leur CV : confrontés à un chômage record, de plus en plus de demandeurs d’emploi voient dans le bénévolat associatif une échappatoire. Un phénomène à “double tranchant”, estiment des experts du secteur.
“Depuis que j’ai perdu mon emploi, je n’ai jamais été aussi active. Seul problème: ce n’est pas rémunéré!”, témoigne Florence, 40 ans, victime d’un plan social chez un équipementier automobile, en 2011.
Édition, solidarité internationale, aide aux sans-papiers : via le bénévolat, cette ex-cadre en ressources humaines aspire à la fois à “donner un sens à sa vie” et à “élargir son réseau”. Ainsi qu’à “combler les trous” sur son CV, vus d’un très mauvais oeil par les recruteurs.
Comme elle, Élodie, 33 ans, au chômage depuis la fin d’un CDD dans une collectivité territoriale en 2011, cherche à “engranger des expériences”. “Les missions intéressantes sont vite pourvues, car beaucoup de jeunes chômeurs n’ont pas envie de rester inactifs”, raconte-t-elle.
Au cours des premiers mois de 2013, les demandeurs d’emploi représentaient près de 22% des volontaires inscrits sur le site de France bénévolat, contre 10,6% en 2012.
Depuis la crise de 2008, “le bénévolat a pris une place dans la stratégie de recherche d’emploi”, estime Anne Poitrenaud, déléguée générale adjointe de la plateforme qui regroupe 6.000 associations
France bénévolat, qui juge l’engagement des chômeurs “très positif”, se montre toutefois “vigilant”, en freinant les démarches purement utilitaristes et en mettant le holà quand, à l’opposé, le bénévolat prend une place trop grande. “La jurisprudence veut qu’il reste largement minoritaire dans leur emploi du temps”, rappelle Anne Poitrenaud.
ôle emploi le 25 mars 2013 à Pantin (Photo : Fred Dufour) |
L’engagement des chômeurs “s’est développé ces dix dernières années”, confirme Maud Simonet, sociologue au CNRS, qui rappelle que le bénévolat (16 millions personnes en 2010) concerne avant tout des gens “bien intégrés socialement, souvent diplômés”.
“Alors que le bénévolat des demandeurs d’emploi était interdit jusqu’en 1998, car jugé trop proche du travail salarié, il y a eu un renversement impressionnant : on est désormais passé à l’incitation, puisque l’Etat joue le jeu de la valorisation de cette activité via des dispositifs comme la validation des acquis de l’expérience (VAE)”, dit-elle.
Un “anti-repli sur soi”
Pour elle, cela entraîne un “brouillage des frontières”, problématique dans le contexte actuel de chômage et de rigueur budgétaire, qui met en difficulté des associations autrefois pourvoyeuses d’emplois.
“Le risque serait d’arriver à une situation où il y aurait deux catégories de bénévoles: ceux en emploi, pour lesquels c’est un plus, et ceux sans emploi pour lesquels c’est un sacrifice, au mieux un tremplin, des gens finalement prêts à travailler gratuitement”, craint-elle.
Patrick Boulte, vice-président de l’association Solidarités nouvelles face au chômage, juge aussi que le phénomène est “à double tranchant”. “Le bénévolat est à la fois très positif, car c’est un anti-repli sur soi. Mais la situation de solitude et d’absence de rôle social est tellement pénible que certains se précipitent là dedans, il faut donc parfois les freiner”, raconte-t-il.
“Autre idée dangereuse: celle de tester une personne par une mission bénévole avant de l’embaucher. Il ne faut pas que nous, associations, faisions ce qu’on reproche aux entreprises avec les stagiaires non rémunérés”, prévient M. Boulte.
Anne Lhériau, membre du syndicat Asso (Solidaires), admet que “quand on veut être embauché dans une association, il est de bon ton d’avoir donné de son temps auparavant”. “Mais les missions ne remplacent pas des emplois”, assure-t-elle, à l’instar de France bénévolat.
Au-delà, pour Maud Simonet, “la valorisation du bénévolat peut contribuer à l’idée insidieuse qu’un +bon+ chômeur est un chômeur qui fait du bénévolat. Cela prévaut aux États-Unis et en Grande-Bretagne, où certains programmes imposent des travaux bénévoles en échange du maintien des allocations”.