Trois mois après avoir démissionné de son poste de chef du gouvernement, Hamadi Jebali est de retour sur le devenant de la scène.
Après avoir mûrement réfléchi, le voici qui décide de se porter candidat à l’élection présidentielle, non pas sous les couleurs d’Ennahdha -son parti avec lequel il est en rupture de ban-, mais en tant qu’indépendant. Car entre l’ancien chef du gouvernement et la principale formation de la Troïka au pouvoir, la rupture semble consommée depuis que la direction du parti islamiste a désavoué son secrétaire général en rejetant son projet de “gouvernement de technocrates“ et qu’en retour a rejeté la proposition de mettre sur pied une équipe gouvernementale adossée à une coalition.
Depuis, une étrange partie d’échecs, voire une sorte de jeu du chat et de la souris, oppose les deux parties, chacune d’entre elles donnant l’impression de ne pas vouloir prendre l’initiative de la rupture.
Lors de la dernière réunion du Majlis Choura d’Ennahdha, une partie de ses membres aurait proposé de démettre Hamadi Jebali de son poste de secrétaire général et de désigner un –autre- candidat pour la présidentielle, mais l’instance suprême du mouvement après le congrès n’a pas donné suite.
Ca défile chez lui…
De son côté, Hamadi Jebali, dont le domicile est devenu un véritable lieu de pèlerinage pour des militants et cadres d’Ennahdha le priant de ne pas le faire, n’entend pas démissionner, pour préserver l’aura dont il jouit au sein d’Ennahdha. Mais, pour continuer à bénéficier du capital qu’il s’est constitué en dehors de ce parti, l’ancien chef du gouvernement a décidé de se mettre «au dessus des partis», et, partant, de ne plus exercer ses prérogatives de secrétaire général d’Ennahdha. Un choix dont les statistiques électorales corroborent la pertinence.
En effet, d’après 3CEtudes, le cabinet de sondages et études marketing dirigé par Hichem Guerfali, qui, le 1er mai 2013, a donné Hamadi Jebali vainqueur –pour la première fois- du second tour d’une élection présidentielle avec 50,6% des voix, face au président de Nidaa Tounes, Béji Caïd Essebsi, l’essentiel de l’électorat du futur candidat indépendant se trouve en dehors de son parti.
Un parti centriste…
Malgré ses désaccords avec la direction, Hamadi Jebali capterait 91% des votes nahdhaouis. Mais comme ceux-ci ne représentent que 30% des voix des Tunisiens, c’est ailleurs que le n°2 d’Ennahdha recrute les deux autres tiers de l’électorat. En l’occurrence, principalement chez les abstentionnistes (49% à Hamadi Jebali, contre 23% à Béji Caïd Essebsi) et les indécis (47% au premier et 42% au second).
Toutefois, de plus en plus de personnes dans l’entourage encouragent Hamadi Jebali à fonder son propre parti. Au nombre de celles-ci figure Nejmeddine Hamrouni, directeur de la Stratégie et de la prospective dans le gouvernement Jebali, auteur, à la demande de son patron, d’une étude fort instructive de la scène politique tunisienne. Ses conclusions –elle démontre en particulier qu’il y a une place à prendre pour un parti centriste comme l’AKP turc- ont de quoi faire réfléchir le futur candidat à la présidentielle qui, pour l’instant, ne semble pas vouloir créer un parti.
D’après l’étude menée par Nejmeddine Hamrouni, Ennahdha étant non-réformable de l’intérieur et ne pouvant pas de ce fait se positionner comme parti centriste et devenir l’AKP tunisien, il y a lieu de créer une telle formation ex-nihilo. D’autant plus que, d’après les estimations de cet expert, un AKP tunisien obtiendrait 40% des suffrages des Tunisiens et pourrait gouverner la Tunisie pendant longtemps.