à Fort Meade, dans le Maryland, le 15 mars 2012 (Photo : Brendan Smialowski) |
[03/06/2013 13:14:49] WASHINGTON (AFP) Trois ans après son arrestation en Irak pour l’une des plus importantes fuites de documents confidentiels de l’histoire américaine, le soldat Bradley Manning comparaît à partir de lundi devant une cour martiale pour un procès que ses partisans qualifient déjà d’historique.
“Le procès du siècle est sur le point de commencer”, proclame le Réseau de soutien de Bradley Manning, à la veille de l’ouverture des débats, pour une période de près de trois mois, sur la base militaire de Fort Meade (Maryland), non loin de la capitale Washington.
Le simple soldat, au corps frêle et au visage d’adolescent, encourt la réclusion criminelle à perpétuité au terme de ce procès devant la juge militaire Denise Lind.
Il est accusé de “collusion avec l’ennemi”, en l’occurrence l’organisation terroriste Al-Qaïda, pour avoir livré au site internet WikiLeaks des milliers de documents militaires américains sur les guerres en Irak et en Afghanistan, ainsi que plus de 250.000 dépêches du département d’Etat.
à Bradley Manning, à Fort Meade, dans le Maryland, le 1er juin 2013 (Photo : Nicholas Kamm) |
Le gouvernement américain affirme que le soldat Manning a mis “sciemment” les Etats-Unis en danger en communiquant ces documents secrets, auxquels il avait accès dans le cadre de ses fonctions d’analyste du renseignement en Irak de novembre 2009 à son arrestation en mai 2010.
Une allégation que le gouvernement devra prouver au procès, a ordonné la juge lors d’une audience de préparation du procès.
Le jeune homme de 25 ans a “endossé l’entière responsabilité de ses actions” mais a catégoriquement nié avoir voulu “nuire” aux Etats-Unis. “Je croyais que la publication (des documents) pourrait provoquer un débat public sur nos forces armées et notre politique étrangère en général”, a-t-il plaidé devant la juge, lors d’une de ses deux interventions en présence des médias.
Il plaidera coupable de dix chefs d’accusation mais se considère innocent des accusations de “collusion avec l’ennemi” ou “publication sur internet de renseignements militaires en sachant qu’ils seront accessibles à l’ennemi”, les plus lourdes des 22 charges.
à Bradley Manning, à Fort Meade, dans le Maryland, le 1er juin 2013 (Photo : Nicholas Kamm) |
Conditions “cruelles” d’incarcération
Il a ainsi reconnu “la transmission intentionnelle” d’une vidéo montrant la bavure d’un hélicoptère de combat tirant sur des civils en Irak en juillet 2007, ou encore de mémorandums relatifs à la guerre en Irak, en Afghanistan et aux détenus de Guantanamo.
Avec ce plaider-coupable partiel, la peine maximale encourue passe de 162 à 154 ans.
Le procès en cour martiale, prévu pour durer jusqu’au 23 août, devrait attirer chaque jour un rassemblement de soutien devant la base militaire de Fort Meade.
Ce réseau de soutien proteste contre le “rythme d’escargot” auquel le soldat est jugé, selon l’expression de l’avocat de Manning, David Coombs. Il dénonce en outre la chape de plomb qui entoure les débats et leur couverture médiatique.
La juge Lind a d’ores et déjà annoncé que 24 témoins, parmi lesquels plusieurs ambassadeurs, responsables du Pentagone et du renseignement, s’exprimeraient à huis-clos. Elle a prévenu qu’elle interdirait que les plaidoiries s’orientent sur un débat général sur la politique étrangère américaine.
Le témoignage, réclamé par l’accusation, d’un membre du commando qui a participé au raid contre le bunker d’Oussama ben Laden au Pakistan, sera aussi à huis-clos. Ce soldat devrait s’exprimer “partiellement déguisé” et dans un “endroit sécurisé” sur les documents diffusés par WikiLeaks et retrouvés dans la cache de Ben Laden, attestant que les informations dévoilées par Manning étaient bien arrivées entre les mains d’Al-Qaïda.
Icône de la paix, selon ses partisans, Bradley Manning, qui s’était dit victime de quolibets à l’armée en tant qu’homosexuel, a été confiné à l’isolement pendant près de neuf mois à la prison militaire de Quantico, dans des conditions que le rapporteur de l’ONU sur la torture avait qualifiées de “cruelles, inhumaines et dégradantes”.
La juge militaire lui a accordé près de quatre mois de remise de peine en raison de ces conditions d’incarcération “plus rigoureuses que nécessaire”.