Après un licenciement économique : “Pourquoi n’iriez-vous pas vendre des légumes?”

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és de Continental Clairoix manifestent à Paris, le 18 mai 2009 (Photo : Stephane de Sakutin)

[07/06/2013 10:53:46] PARIS (AFP) “Quand je leur ai dit que mes parents vendaient des fruits et légumes sur les marchés, ils m’ont dit: +pourquoi n’iriez-vous pas vendre des légumes aussi?+”: les cabinets de reclassement interviennent pour aider les licenciés économiques à rebondir, avec plus ou moins de réussite. Retour sur quelques entreprises emblématiques.

LES “CONTI”

L’usine Continental de Clairoix (Oise) ferme ses portes début 2010, 1.113 postes sont supprimés.

Aujourd’hui, plus de 500 personnes sont à Pôle emploi, 300 salariés en CDI, déplore Pierre Sommé (FO). Plus de 100 ont créé leur entreprise, mais 80% ont mis la clef sous la porte. Les autres sont en CDD ou en intérim.

Pour M. Sommé, ce résultat est “catastrophique”.

Chargé du reclassement, le cabinet Altedia répond que tous les salariés n’avaient pas adhéré à la cellule de reclassement et qu’environ un tiers de ceux officiellement suivis, dont une part significative de seniors, refusaient de venir.

“On a cherché des milliers de jobs sur le bassin d’emploi qu’on n’a pas pu pourvoir” faute de volontaires, regrette le patron d’Altedia Pierre Beretti, ajoutant avoir “épuisé des cohortes de consultants” et “perdu beaucoup d’argent”, au cours d’une mission qui s’est déroulée dans des “conditions atypiques”.

Aujourd’hui, “les gens arrivent au bout des droits au chômage et vont commencer à se retrouver sans salaires, sans rien”, dit M. Sommé, affirmant que le cabinet s’était engagé à “reclasser 80% du personnel à 80% du salaire”.

“Le bassin d’emploi est sinistré, mais Altedia a passé plus de temps à essayer de virer les gens du dispositif qu’à les reclasser”, en utilisant notamment les formations qui équivalaient à des offres d’emploi pour se dégager de leurs obligations, dénonce-t-il.

“Cela s’est très mal passé”, confirme Xavier Mathieu, leader CGT. Il raconte avoir fait un stage de cinéma de cinq semaines, à l’issue duquel le cabinet a considéré qu’il ne lui devait “plus rien”. “Ils ne m’ont pas fait une seule offre d’emploi pendant mon congé de reclassement”, déplore le syndicaliste, alors que “j’étais en demande de n’importe quelle offre”.

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és de la Sernam manifestent sous la Grande Arche de la Défense près de Paris, le 4 avril 2012 (Photo : Bertrand Guay)

Depuis, il a obtenu quelques “cachets” (il sera prochainement à l’affiche d’un film de Nils Tavernier) mais “ne bosse pas assez pour vivre”. Inscrit à Pôle emploi, il peut compter sur quelque 1.200 euros, pendant encore environ 18 mois.

LES SERNAM

Ex-filiale de la SNCF, le transporteur est placé en redressement judiciaire en janvier 2012. Environ 800 salariés sont repris en mai par la société Geodis/Calberson. Mais plus de 750 (avec la filiale Aster) perdent leur emploi. Début janvier, sur 554 salariés qui avaient adhéré à la cellule de reclassement, 105 avaient un CDI.

Un ex-salarié de 59 ans raconte, désabusé : “Les recruteurs n’ont pas le temps de s’occuper des vieux. Quand je leur ai dit que mes parents vendaient des fruits et légumes sur les marchés ils m’ont dit: +pourquoi n’iriez-vous pas vendre des légumes aussi?+”.

“Le cabinet Anveol m’a aidé pour faire un CV, quelques conseils pour la lettre de motivation”, mais au final “rien”, alors que le dispositif de reclassement touche à leur fin.

“Pour la première fois de ma carrière, je me retrouve confronté à la difficulté de rechercher du boulot”, regrette le senior. “Pôle Emploi m’envoie des petites annonces automatiques (…). Ils me proposent d’aller livrer des pizzas en mobylette 5 à 20 heures par semaine sur Paris… alors que je suis chef de quai logistique et messagerie”.

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és de Molex Villemur-sur-Tarn manifestent à Toulouse, le 11 décembre 2012 (Photo : Eric Cabanis)

Il espère pouvoir quitter sous peu la région parisienne. “Je (vais) partir en province quelque part et là-bas ce sera peut-être plus facile pour moi. Si par exemple en supérette ils ont besoin de quelqu’un cinq heures par jour, pourquoi pas après tout”…

LES MOLEX

Les 280 salariés de Molex de Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne) sont licenciés à l’automne 2009 et la filiale du groupe américain est liquidée un an après la fermeture de l’usine.

Selon Denis Parise, ex-secrétaire du comité d’entreprise, 254 personnes ont adhéré à la cellule de reclassement du cabinet Sodie qui a suivi les salariés jusqu’à fin 2012.

Quatre ans après, une cinquantaine de personnes sont en grosse difficulté, selon l’ex-salarié. Certains n’ont pas le permis de conduire, sont âgés de plus de 50 ans et sans diplôme.

Une cinquantaine de personnes ont obtenu un CDI auprès du repreneur de l’usine. Mais, dit M. Parise, parmi les autres ayant “retrouvé du travail il y a quand même pas mal de CDD, d’intérimaires” et seuls 4 ou 5 des 15 salariés qui ont monté leur entreprise n’ont pas mis la clé sous la porte.

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és de PSA de Melun-Sénart en Seine-et-Marne devant le siège du groupe à Paris, le 20 avril 2010 (Photo : Mehdi Fedouach)

Sodie a assuré “un bon suivi psychologique”, ils ont “orienté sur les formations, fait des ateliers pour les CV, des trucs comme ça. Mais après, dire véritablement: +vous allez là bas, on va vous embaucher, non+”, note M. Parise. Un résultat final “pas glorieux”.

LES PSA – MELUN

En 2010, PSA décidait de fermer son site de Melun-Sénart en Seine-et-Marne (398 personnes). Début 2012, 216 étaient partis sur un autre site du groupe. Sur les 182 salariés ayant quitté PSA, plus d’une centaine sont à Pôle Emploi, assure la CGT.

Pour Aïcha Razem, 55 ans sous peu, le reclassement a été un “échec total”. En attente de missions en intérim, elle se souvient d’un atelier animé par un anthropologue et un physionomiste où “il fallait apporter des objets qui rappelaient les bons souvenirs du site. L’un avait ramené sa théière, un autre des photos de l’équipe de football. C’était pour nous faire admettre que le site allait fermer et qu’il fallait aller de l’avant, prendre la roue du changement (…) Et vous voyez où j’en suis aujourd’hui ?”