à Lashio dans le nord-est (Photo : Ye Aung Thu) |
[07/06/2013 13:09:23] NAYPYIDAW (Birmanie) (AFP) La Birmanie suscite un vif intérêt des grands groupes étrangers à la faveur des réformes entreprises par le nouveau régime, mais cet engouement dissimule une réalité complexe, estiment les experts, selon lesquels les investisseurs doivent être prêts à s’engager sur le long terme.
L’ouverture, qui n’épargne aucun secteur depuis la dissolution de la junte en mars 2011, a fait de ce vaste pays coincé entre Inde et Chine la nouvelle coqueluche des entrepreneurs. Mais l’ex-Etat paria, préviennent-ils, doit éviter le piège de sa surmédiatisation et repousser ceux qui ne cherchent qu’un profit rapide.
Les autorités tentent de parer au plus pressé pour que les premiers investisseurs ne soient pas exposés à un risque démesuré, note Serge Pun, homme d’affaires birman.
“Si vous arrivez en pensant +c’est un endroit dangereux, très risqué, je ferais mieux de gagner de l’argent rapidement+, je pense que vous devriez rester chez vous”, a-t-il déclaré lors du Forum économique mondial sur l’Asie de l’Est qui se tenait cette semaine dans la capitale Naypyidaw.
“Parce que ce n’est pas un endroit dangereux, c’est un endroit plein de potentiel”.
Les entreprises étrangères font désormais la queue pour participer au décollage annoncé d’un des pays les plus pauvres du monde, riche en ressources naturelles et fort d’un marché de 60 millions de nouveaux consommateurs.
ésident birman, Thein Sein (d), et le patron du Forum économique mondial, Klaus Schwab, le 6 juin 2013 à Naypyidaw (Photo : Soe Than Win) |
Une main d’oeuvre très peu formée
Mais après la confiscation systématique des richesses par la junte et ses proches, les autorités doivent encourager des investissements responsables, préviennent les analystes. Ne serait-ce que pour éviter le piège dans lequel tombent tant de pays au sous-sol abondant, mais dont la population demeure éternellement pauvre.
“La Birmanie est la candidate parfaite pour cette malédiction des ressources”, relève ainsi David Harland, du Centre pour le dialogue humanitaire, qui craint que le gaz, les pierres et les bois rares birmans agissent moins comme un accélérateur de développement que “comme un facteur exacerbant les conflits”.
Déjà, les réformes ont totalement transformé la gamme des entreprises intéressées par la Birmanie. Hôteliers et industries manufacturières ont commencé à rejoindre les groupes pétroliers.
Mais quel que soit le secteur, il leur faudra à tous bien de la patience. Les infrastructures de transport sont indigentes, tout comme le réseau électrique et les télécommunications. Et la main d’oeuvre, très peu formée après des décennies de système éducatif à l’abandon, est incapable de suivre le rythme.
à Naypyidaw (Photo : Soe Than Win) |
Une difficulté évoquée par la chef de l’opposition Aung San Suu Kyi, qui a appelé le secteur privé à investir dans la formation des jeunes, lors de ce “Davos” asiatique qui a réuni un millier de délégués de plus de 50 pays. S’il est normal que les entreprises fassent des profits, “elles doivent essayer de maximiser aussi nos bénéfices”, a-t-elle estimé.
Pendant trois jours de débats, beaucoup ont exprimé des craintes que le pays ne soit pas armé pour résister à la rapidité des changements qu’il a lui même initié.
Ces réformes sont “proches du miracle”, a souligné Luc de Waegh, fondateur du cabinet de conseil West Indochina, qui travaille dans le pays depuis vingt ans.
“Cela a créé des attentes irréalistes selon lesquelles maintenant que la situation politique qui semblait ingérable a été gérée, la question économique sera réglée. Cela ne se passe pas comme ça”, explique-t-il.
“Il faut rebâtir une infrastructure, changer les mentalités, créer une classe moyenne. Ca prend du temps”.