ésident Barack Obama, le 7 juin 2013 à San Jose en Californie (Photo : Stephen Lam) |
[07/06/2013 18:07:39] WASHINGTON (AFP) Sept ans après la révélation que le renseignement américain, sous George W. Bush, conduisait une surveillance des appels téléphoniques aux Etats-Unis, l’administration de Barack Obama a dû se justifier jeudi d’avoir secrètement maintenu et élargi le programme.
Déjà au centre d’une controverse sur la saisie de relevés téléphoniques de journalistes de l’agence de presse américaine AP, l’exécutif américain a assumé l’utilisation du programme secret comme un outil crucial de la lutte contre le terrorisme.
“La priorité numéro une du président des Etats-Unis est la sécurité nationale des Etats-Unis. Nous devons avoir les outils nécessaires pour faire face aux menaces posées par les terroristes”, a déclaré le porte-parole adjoint de la Maison Blanche, Josh Earnest, à bord de l’avion présidentiel.
Le quotidien britannique The Guardian a publié mercredi soir une ordonnance de justice secrète forçant l’opérateur américain Verizon à livrer à l’Agence nationale de sécurité (NSA), à la demande du FBI, la totalité des données téléphoniques de ses abonnés, d’avril à juillet.
Des parlementaires tenus au courant du programme secret par l’exécutif ont confirmé qu’il était en place sous cette forme depuis 2007, et que le document publié par le Guardian n’était qu’un renouvellement de routine.
La collecte ne concerne que les “métadonnées” des appels, tels que les numéros de téléphone et la durée des appels, selon M. Earnest. Les noms des abonnés ne sont pas transmis et les appels ne sont ni écoutés ni enregistrés.
Les informations sont accumulées dans les serveurs de la NSA, ont expliqué d’autres élus, mais ne sont analysées que lorsqu’il existe des soupçons précis.
“L’information qu’ils recherchent est à l’autre bout de l’appel”, a précisé Saxby Chambliss, vice-président républicain de la commission du Renseignement du Sénat, lors d’une conférence de presse. “Si un numéro correspond à un numéro terroriste appelé depuis un numéro américain (…) alors il peut être signalé, et ils peuvent demander une ordonnance de justice pour aller plus loin dans ce cas précis”.
Le système a permis d’éviter “un attentat terroriste important” aux Etats-Unis “ces dernières années”, a assuré le président républicain de la commission du Renseignement de la Chambre des représentants, Mike Rogers, sans plus de détails.
“Au-delà d’Orwell”
La révélation a concrétisé les pires craintes des défenseurs des libertés individuelles, qui tentent depuis des années de faire la lumière sur l’utilisation par le gouvernement d’une clause du “Patriot Act”, la loi antiterroriste votée dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001.
“Cela va au-delà d’Orwell”, a dénoncé Jameel Jaffer, de la grande ONG American Civil Liberties Union (ACLU), en référence au livre d’anticipation de George Orwell, “1984”.
“C’est une nouvelle preuve de la manière dont les droits démocratiques de base sont remisés au second plan, en secret, au profit des agences de renseignement qui n’ont de comptes à rendre à personne”, a-t-il estimé dans un communiqué.
En 2006, le quotidien américain USA Today avait déclenché un choc aux Etats-Unis en révélant que la NSA collectait secrètement les données de communications d’Américains auprès des grands opérateurs du pays.
Le programme ne concernait alors que les communications entre un interlocuteur situé aux Etats-Unis et un autre à l’étranger. L’administration de George W. Bush avait ensuite modifié le programme pour que les demandes de saisies passent par un juge d’une cour secrète, dédiée aux écoutes.
Depuis 2001, le Congrès a prolongé le Patriot Act et assoupli les critères permettant au FBI de réclamer les données téléphoniques, notamment en vrac.
Les réactions des élus étaient partagées jeudi, certains n’ayant visiblement pas été informés de l’ampleur exacte de la surveillance.
“S’il ne s’agit que de cibler (les jihadistes), je ne pense pas avoir de problème”, a affirmé le républicain John McCain. “Mais s’il s’agit de chercher en vrac qui appelle qui, en toute circonstance, alors cela mérite des auditions parlementaires”.
Le directeur juridique de Verizon s’est contenté de relever dans un communiqué que la compagnie était légalement obligée d’obéir à une telle ordonnance, et qu’elle n’avait pas le droit d’en divulguer l’existence.