Michelin : révolte et colère à Joué-lès-Tours, où 700 postes sont supprimés

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é-lès-Tours, photographiés le 10 juin 2013 (Photo : Jean-Francois Monier)

[10/06/2013 13:17:01] JOUE-LES-TOURS (Indre-et-Loire) (AFP) Révolte, colère et inquiétude dominaient lundi parmi les salariés de l’usine Michelin de Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), où la direction du géant du pneumatique venait de confirmer la suppression de 700 postes.

Plusieurs centaines de salariés, certains soutenus par leur conjoint, étaient rassemblés en milieu de journée dans la cour de l’usine. Les ouvriers n’avaient pas pris leur poste à 04H30 et avaient retiré leur combinaison de travail bleue.

L’annonce de Michelin devait avoir lieu mercredi mais, après des fuites dans la presse, les salariés alertés attendaient lundi matin de pied ferme l’officialisation de la direction, entamant ainsi la journée avec un débrayage de l’équipe de 04H30. La nouvelle attendue est finalement tombée en fin de matinée comme un couperet.

“Ce matin, il a fallu calmer les esprits. Certains étaient prêts à mettre le feu aux pneus. Si l’usine doit brûler, elle brûlera”, a déclaré Claude Guillon, délégué CGT, quelques minutes après la confirmation par la direction de l’arrêt en 2015 de la production de pneus pour poids lourds à Joué-lès-Tours.

“2015, c’est terminé pour nous. Par contre, on a leurré les gens en leur faisant croire que, s’ils travaillaient bien, on maintiendrait l’activité”, a renchéri le délégué SUD, Olivier Coutan.

Arrivés peu avant 13H00, les ouvriers de l’équipe de l’après-midi n’ont pas pris leur poste et sont restés dans la cour avec leurs collègues du matin.

Le député de la circonscription, Laurent Baumel (PS), maire de la commune voisine de Ballan-Miré, est venu tenter de réconforter les ouvriers.

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é-lès-Tours, photographiés le 10 juin 2013 (Photo : Jean-Francois Monier)

Vers 13H30, le directeur du site, Jean-Denis Houard, est sorti de l’usine et est allé à la rencontre des salariés. Mais, constatant la présence de journalistes, il a déclaré: “Je ne m’exprime pas (devant les salariés, ndlr) dans de mauvaises conditions.” Il a ensuite rebroussé chemin sous les sifflets des salariés.

Situations préoccupantes

“Après la résignation vient la révolte. On n’ira pas à l’extérieur de l’usine, on restera dedans. Mais il y a de l’argent dans l’usine. Si Michelin n’est pas capable de négocier correctement, il y perdra plus que les salariés ne vont y perdre”, a poursuivi M. Guillon.

“Nous sommes déterminés”, a prévenu le syndicaliste. A Joué-lès-Tours, “nous avons un moyen de pression, l’atelier qui fait du calandrage et qui fournit 25 à 30% des usines en Europe. En bloquant cet atelier pendant une semaine, on arrêtera 20 à 25% des usines en Europe”, a-t-il menacé. Le calandrage est la fabrication des nappes textiles et métalliques des pneus.

“Il y a encore dix jours, notre cher directeur nous a envoyé un document à la maison en nous félicitant sur notre taux de rendement. Et, dix jours après, il nous annonce qu’il nous fout à la porte. On a affaire à un grand guignol”, s’est exclamé M. Coutan.

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é-lès-Tours, photographiés le 10 juin 2013 (Photo : Jean-Francois Monier)

Du côté des salariés, c’est le désarroi et l’incompréhension. “Le groupe fait du bénéfice, l’an dernier 2 milliards 100 millions d’euros dans le monde. On ferme en France mais on investit à l’étranger, en Inde ou en Chine. C’est inadmissible. Où va-t-on trouver de l’emploi dans un bassin sinistré?” s’emportait Norbert Ressault, 55 ans, dont 37 ans et demi d’ancienneté.

“Ma femme vient de perdre son emploi, son usine vient de couler. Que va-t-on faire?” s’interrogeait M. Ressault.

Situation aussi préoccupante pour Laurent Giteau, 45 ans: “Ma femme travaille aussi chez Michelin. On a un enfant de trois ans et demi. On vient de faire construire une maison. On ne peut pas être mobile…”

Dans un communiqué, la direction de Michelin a annoncé notamment “le développement d’un pôle industriel de pneus pour poids lourds très compétitif à La Roche-sur-Yon, portant d’ici à 2019 la production de 800.000 à 1,6 million d’unités par an”, ainsi que “l’arrêt de l’atelier poids lourds de l’usine de Joué-lès-Tours”.

Implantée depuis 1961, l’usine de Joué-lès-Tours a compté jusqu’à 4.000 salariés dans les années 1980.