Statut de partenaire privilégié avec l’Europe : Qu’il est long le chemin de l’intégration !

 

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La Tunisie est-elle bien préparée pour passer à la vitesse supérieure du Statut du partenaire avancé avec l’Union européenne? L’agriculture est-elle compétitive pour pouvoir croiser le fer avec des exploitants européens largement subventionnés? La mobilité ne constitue-elle pas le parent pauvre de la politique européenne à l’endroit de ses partenaires du Sud? La discussion de ce nouveau statut verra-t-il la participation de la société civile?

Le débat du premier forum de l’IACE sur le «Statut de partenariat privilégié» avec l’Europe n’a pas manqué de mordant.

«Le statut de partenariat privilégié». Voici le thème que l’IACE (Institut arabe des chefs d’entreprise) s’est choisi pour la première session de son Forum de Tunis. Organisé le 13 juin 2013, au siège de cet Institut, le forum avait de quoi se mettre sous la dent. L’Europe est le voisin de la Tunisie avec lequel elle entretient, notamment depuis plus de quarante ans, de solides relations économiques (près de 80% du volume des échanges). Et la Tunisie passe aujourd’hui avec son voisin du Nord à une vitesse supérieure avec des promesses concernant un statut de partenaire privilégié.

Deux projets constituent le menu de ce nouveau statut: le plan d’action 2013-2017 et l’Accord de Libre-échange Complet et Approfondi (ALECA). Le second élargit le cadre de l’Accord d’association à des secteurs nouveaux: agriculture, investissement, service et commerce.

Quant au premier, il concerne un ensemble de questions en vue notamment du renforcement du dialogue politique entre la Tunisie et l’Union européenne, de la coopération en matière de justice et de sécurité et de la coopération en matière de la migration et de la mobilité.

Tout le monde est quasiment d’accord pour dire que la dynamique engagée avec l’Union européenne est un défi et une opportunité pour l’économie nationale: le marché européen compte 400 millions de consommateurs, même s’il passe aujourd’hui par une récession, et l’Europe va engager pas moins de 400 millions d’euros (presque le double en dinars) sous forme de dons pour faire réussir le plan d’action. Sans oublier les perspectives qui s’ouvrent à la Tunisie en matière de partenariat et donc d’investissements européens.

Que faire face aux subventions servies aux agriculteurs français?

Mais la Tunisie est-elle capable de relever le défi? Sans répondre directement à cette question ni s’engager volontairement sur cette voie, l’ancien ministre des Finances, Mansour Moalla, a souligné que pour réussir, le partenariat a besoin d’une certaine «réciprocité»: les deux parties doivent être au même niveau de développement. Ce qui est loin d’être le cas pour la Tunisie. Pour ce faire, la Tunisie a besoin d’une croissance de quelque 7% sur vingt ans d’affilée. De plus, l’Accord d’association avec l’Union européenne a été en quelque sorte menée d’une manière somme toute hâtive. Il s’est engagé sur une période de douze ans jugée courte pour assurer les objectifs qu’il s’est assignés, à savoir mieux aguerrir une partie de l’économie nationale.

Même son de cloche de la part du professeur Lahcen Oulhaj, doyen de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat-Agdal, qui a mis en valeur le fait que l’économie marocaine n’est pas encore compétitive face à celle de l’Union européenne. Sur le terrain de l’agriculture, un des secteurs sur lequel la concurrence sera dure du fait qu’il n’a pas encore fait l’objet d’un élargissement et qu’il occupe une part importante de la main-d’œuvre marocaine (près de 40%), le Maroc risque de souffrir. Un exemple illustre bien la non-compétitivité évidente: une ferme espagnole installée sur le sol marocain produit 1.500 kilos d’amendes à l’hectare et une ferme marocaine installée également sur le sol marocain fournit seulement… 55 kilos à l’hectare.

La situation des plantations tunisiennes n’est pas loin de celle du Maroc voisin. Morcellement des terres agricoles, problèmes fonciers, manque de moyens, productivité des employés, dysfonctionnement des marchés… Et tout concourt pour que l’agriculture ne rattrape pas très vite le retard avec le voisin européen. Et puis, que pourra faire l’agriculteur tunisien face aux subventions accordées aux exploitants européens (les agriculteurs français ont reçu, en 2012, 13 milliards d’euros sous forme de subventions)? Autant dire qu’on est mal parti.

«La mobilité est une façon de parler à nos voisins!»

Pas aussi sûr que ça, a déclaré Eugenio Fernandez-Garcia, directeur général de l’agriculture à la Commission européenne. Pour lui, la Tunisie étant un pays souverain, il a la possibilité d’avancer à son rythme. D’ailleurs, si l’on n’a pas beaucoup avancé jusqu’à maintenant, c’est parce que la Tunisie a évolué au rythme souhaité par elle.

Autre argument: l’ouverture du marché tunisien à la concurrence européenne va constituer un levier afin que l’on réforme au plus vite des secteurs qui sont «encore à la traîne», a dit plus d’un intervenant. De toute manière, il faudra y aller un jour ou l’autre!

Autre thème largement abordé, celui de la mobilité. Et le constat a été rapide: la politique des visas est un casse-tête qui empêche la conclusion de partenariats. Bien plus, Anna Terron, conseillère spéciale pour le partenariat et la mobilité pour la Commissaire européenne Cecillia Malmström, a reconnu que «des humiliations» sont subies quelquefois aux candidats à la mobilité. Assurant que «la mobilité est une façon de parler à nos voisins!».

Autre formule sur la mobilité utilisée dans ce débat, celle de Radhi Meddeb, PDG de Comet Engineering, qui a animé un déjeuner-débat sur «Les défis du statut de partenariat privilégié», estime qu’«il est inconcevable de concevoir un mariage en demandant aux deux époux de rester chacun chez soi».

L’essentiel se trouve ailleurs pour certains: que les projets, programmes et autres accords qui se préparent avec l’Union européenne ne soient pas le fait de la seule technostructure tunisienne et européenne. Comprenez qu’ils soient conclus par la seule administration des parties. Parce qu’il engage l’avenir de tout le pays, le plan d’action, par exemple, doit être revu et corrigé par notamment la société civile qui n’a pas été associée par le passé aux engagements pris par le pays. «La société civile sera associée», a assuré Lamine Doghri, ministre du Développement et de la Coopération internationale. «Le plan d’action est un cadre de discussion et non un cadre juridique», a-t-il insisté, ajoutant que tout se fera dans la transparence et en assurant la participation de tous.

D’ailleurs, le plan d’action est consultable sur le site du ministère et chacun peut introduire son commentaire ou sa proposition.

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