é montre une meule de parmesan dans une usine de Valestra, en Italie, en février 2008 (Photo : Filippo Monteforte) |
[16/06/2013 10:14:17] PARME (Italie) (AFP) Antonio Malpeli en est sûr: la recette du parmiggiano reggiano (parmesan), conçue au Moyen-Age par des moines, ne changera plus. Tout au plus peut-elle être “affinée” à l’image des centaines de meules pansues qui sèchent paisiblement derrière lui dans la “cathédrale” de sa petite fabrique.
A 47 ans, ce maître fromager et – comme il se définit lui-même “descendant” des moines bénédictins à l’origine de ce produit-phare de l’Italie – n’arbore pas de robe de bure mais des bottes et un tablier de caoutchouc sur des bras dignes d’un boxeur après trois décennies à remuer d’immenses vasques de lait mousseux.
“Les frères ont découvert le fromage en cherchant un moyen de conserver le lait. Et puis cette méthode s’est transmise de siècle en siècle. Les technologies se sont un peu affinées mais le concept fondamental est resté tel quel. Elle ne changera plus, elle s’affinera oui, à peine”, estime-t-il, campé devant les vastes rayonnages abritant ses créations des 2 dernières années.
“Le secret du bon parmesan est un bon lait, il faut que les vaches aient mangé ce qu’il faut, et puis aussi un peu l’art du fromager”, sourit-il.
Sa coopérative, située à Sala Berganza dans la riche région d’Emilie-Romagne (nord) près de Parme, produit 32 fromages par jour, environ 11.000 par an. Elle est l’un des près de 400 sites fabricant du parmesan AOP (appellation d’origine protégée) sur un territoire défini et selon de stricts critères de qualité.
Les premiers écrits faisant état de son existence remonteraient à 1254. La recette fut élaborée dans les grands monastères de cette zone. Les moines, qui possédaient beaucoup de vaches pour les travaux des champs, étaient en quête d’une manière de conserver le lait sur le long terme.
à Rome, le 12 juin 2012 (Photo : Alberto Pizzoli) |
A force de temps et d’expérimentations, ils optent pour des fromages de grande taille (une meule pèse actuellement en moyenne 40 kg, obtenus avec 600 litres de lait) qu’ils font sécher très lentement (12 mois minimum, mais jusqu’à 48 mois pour le “stravecchio”, c’est-à-dire le très-vieux).
La principale innovation depuis l’ère féodale se résume à l’ajout à la fin du XIXè siècle de séro-ferments dans le lait, qui a amélioré la qualité des fromages et réduit le taux de perte (estimé à 3%, tandis que 89% des meules atteignent le niveau de qualité requis). Le reste, considéré comme de moindre qualité, est vendu rapidement, sans être laissé à raffiner.
Le contrôle est affaire de “musique”: chaque meule est tapotée à l’aide d’un petit marteau par des employés spécialisés du consortium du parmiggiano-reggiano, association qui rassemble les producteurs.
Sa principale mission est de protéger la réputation de la marque, un thème sensible pour un produit mille fois copié et enjeu ces dernières années de longues batailles juridiques et commerciales. Récemment encore, le consortium a dénoncé la présence de parmesan contrefait au salon Sial, un important rendez-vous agroalimentaire près de Paris.
“La contrefaçon est un problème: le consortium ces derniers temps frappe fort, mais il y en a quand même, un peu partout”, admet M. Malpeli, qui a lui-même appris les ficelles du métier de son père, et incarne la 4è génération de fromagers de sa famille.
La filière a par ailleurs relevé la tête après les deux séismes qui ont durement frappé l’Emilie-Romagne il y a un an, causant de gros dégâts dans les caves d’affinage. “Le système est resté sur pied. Ceux qui ont eu des dégâts ont recommencé à produire, c’est passé”, juge M. Malpeli, dont la fabrique a été épargnée. La production totale a atteint 3,3 millions de meules l’an dernier (+2,3%).
Désormais, le défi du parmesan est la conquête de marchés loin de ses terres natales, comme la Chine: pour l’heure, les exportations y sont très modestes (estimées à environ 85 tonnes l’an dernier, 2.245 tonnes pour toute l’Asie) mais elles affichent un taux de croissance de 277% (+33% pour l’Asie). L’objectif du consortium est d’exporter la moitié de sa production d’ici cinq ans (30% actuellement).