écolte de fleurs de sureau dans le village de Saschiz en Roumanie, le 25 mai 2013 (Photo : Daniel Mihailescu) |
[17/06/2013 19:51:07] SASCHIZ (Roumanie) (AFP) De mai à juin, la Roumanie se couvre de fleurs blanches de sureau. Utilisées pour une boisson locale très prisée, la socata, elles entrent aussi dans la composition de sodas vendus en Grande-Bretagne ou au Japon, un stimulant bienvenu pour l’économie rurale.
La socata roumaine a même inspiré le géant américain Coca Cola pour une de ses boissons.
Journée de récolte près du village de Saschiz, en Transylvanie, une région louée par le prince Charles pour sa flore et son agriculture traditionnelle: des centaines de saisonniers cueillent avec précaution, à la main, des grappes de fleurs de sureau sauvage avant de les livrer à une petite entreprise spécialisée dans la production de sirops, confitures et chutneys, la Transylvania Food Company (TFC).
“L’année dernière, nous en avons collecté 27 tonnes”, explique à l’AFP Jim Turnbull, son directeur.
Les fleurs s’abîmant vite, elles sont transformées en jus ensuite exporté vers la Grande-Bretagne pour servir de base à des sirops et sodas fabriqués par la société Bottlegreen drinks.
Ils sont commercialisées en Grande-Bretagne, au Canada, en Australie, à Hong Kong ou au Japon.
Cette activité soutient les investissements de TFC à Saschiz, précise M. Turnbull.
Sa société, fondée en 2010, est maintenant le deuxième employeur privé de ce village de 2.000 habitants avec 5 salariés à plein temps.
écolte de fleurs de sureau dans le village de Saschiz en Roumanie, le 25 mai 2013 (Photo : Daniel Mihailescu) |
La petite unité de production pour le sirop de fleurs de sureau et les confitures a été construite grâce à un financement initial d’environ 350.000 euros assuré par des investisseurs roumains, américains et australien.
L’idée est de soutenir l’économie chancelante de cette région en utilisant les activités agricoles traditionnelles. 1.300 saisonniers travaillent à la récolte des fleurs de sureau.
“C’est un revenu qui nous aide beaucoup”, dit Alin Barabas dont le père et la mère participent à la récolte.
TFC paie 2 RON (45 centimes d’euros) le kilo de fleurs, un prix plus élevé que ce que touchaient ces saisonniers lorsqu’ils vendaient leur récolte à des négociants en plantes médicinales, explique l’un d’eux à l’AFP.
Le sureau est réputé avoir des propriétés anti-inflammatoire et faciliter la digestion.
Dans le village voisin de Bunesti, Sorin Neculae s’est lui aussi lancé dans la production de sirop de sureau.
Produits naturels
Après avoir travaillé dans l’électronique et l’industrie alimentaire en Finlande, ce quadragénaire a senti le besoin de renouer avec la nature et les paysages de son enfance.
écolte de fleurs de sureau dans le village de Saschiz en Roumanie, le 25 mai 2013 (Photo : Daniel Mihailescu) |
Grâce aux sirops de groseille et de fleurs de sureau 100% naturels qu’il fabrique et vend à plusieurs restaurants du pays, il a pu se réinstaller en Roumanie.
Un retour encourageant dans une région où beaucoup choisissent au contraire d’émigrer à l’étranger faute d’emplois et de perspectives.
Grâce à la Fondation ADEPT qui permet aux producteurs locaux de louer pour un prix modique un atelier de production aux normes européennes à Saschiz, il a pu se lancer sans devoir trouver les dizaines de milliers d’euros nécessaires pour créer sa propre unité.
“Le sureau est une tradition forte en Roumanie”, explique-t-il.
Depuis des générations, à la fin du printemps, les Roumains préparent la socata, une boisson à base de fleurs de sureau qu’on laisse macérer avec de l’eau, du sucre et du citron.
Durant la période communiste, quand jus et sodas étaient quasi introuvables en raison des pénuries, “la socata était une boisson merveilleuse pour nous les enfants”, se souvient Carla Szabo, une des plus célèbres designers de bijoux de Roumanie.
Même après la chute du communisme en 1989 et la conquête du marché par des marques occidentales, l’engouement a perduré pour les boissons à base de sureau.
En 2002, le géant américain Coca Cola a même lancé le Fanta Shokata, “après avoir étudié la recette traditionnelle de la socata roumaine” dans ses laboratoires, a indiqué la société à l’AFP. Il est toujours vendu dans plusieurs pays des Balkans.
Aujourd’hui, la socata traditionnelle faite maison fait un retour remarqué. Dans un bar fréquenté par de nombreux artistes à Bucarest, Octavian en prépare tous les printemps.
Carla Szabo a recommencé depuis trois ans à en faire “par nostalgie” pour son enfance.
“Ce retour de la socata est aussi lié à une tendance qui voit les gens s’intéresser davantage à leur régime alimentaire, aux produits naturels et faits maison”, dit-elle.
“Ils prennent aussi conscience des choses extraordinaires qui demeurent en Roumanie encore à la portée de tous”.