Bangladesh : la banque pionnière du microcrédit menacée

d013344338cd2cd3c27fc683162aeca1fdbd1410.jpg
à Washington (Photo : Nicholas Kamm)

[18/06/2013 09:24:27] Dacca (AFP) Le gouvernement du Bangladesh pourrait reprendre ou démanteler la Grameen Bank, banque pionnière dans le microcrédit, dont le fondateur, prix Nobel de la paix, est en délicatesse avec le pouvoir, selon les recommandations d’une commission critiquées mardi par des analystes.

Le rapport de la commission gouvernementale, envoyé pour examen à des experts financiers du pays, recommande que l’institution soit divisée en 19 entités, chapeautées par une organisation centrale. L’étude conseille également que les statuts soient amendés pour que l’établissement s’apparente à une banque publique, dont 51% du capital seraient aux mains de l’Etat.

La Grameen Bank, fondée en 1983 par le prix Nobel Muhammad Yunus, a prêté plus de 11 milliards de dollars à des millions de personnes, souvent des femmes très pauvres, qui n’avaient pas accès aux banques traditionnelles. Les prêts consentis, sans intérêt, leur permettent de développer des petites activités commerciales, artisanales ou agricoles.

“La reprise par le gouvernement d’une institution financière saine détenue par huit millions de femmes pauvres serait un abus de pouvoir extrême” de sa part, a déclaré Muhammad Yunus. “Les options présentées par la commission d’enquête sont totalement hors sujet et impossibles à mettre en oeuvre”.

M. Yunus avait été contraint de démissionner de la Grameen Bank en 2011, au terme d’un long bras de fer juridique avec le gouvernement. La raison officielle était qu’il avait largement dépassé l’âge maximal pour le départ à retraite.

Mais, selon les observateurs, l’influence considérable de la Grameen Bank au Bangladesh, qui a aujourd’hui des activités dans les panneaux solaires, la téléphonie mobile et d’autres biens de consommation, a provoqué la jalousie du gouvernement.

Les ennuis de Muhammad Yunus, 72 ans, ont commencé en 2007 lorsqu’il a émis l’idée de créer son propre parti politique, dénonçant une classe dirigeante intéressée par “l’argent et le pouvoir”. M. Yunus y avait renoncé au bout de quelques mois. Il s’était ensuite brouillé avec la Première ministre, Sheikh Hasina.

Les experts et le ministre des Finances se réuniront pour discuter du rapport le 2 juillet à Dacca.

Pour Baqui Khalily, professeur de finance et directeur de l’Institut de microfinance, “la structure proposée pour la banque n’apportera pas une durabilité nécessaire. Elle devrait au contraire la ronger”.

“Diviser l’établissement ne va pas aider. Le gouvernement a divisé sa banque spécialisée dans l’agriculture et aucune des deux entités n’est viable au final”, a ajouté l’analyste.