à Lagos (Photo : Pius Utomi Ekpei) |
[19/06/2013 11:59:02] Lagos (AFP) En seulement un an, Jumia, start-up nigériane d’une dizaine d’employés, est devenue une entreprise de plus de 450 personnes. Et elle ne compte pas s’arrêter en chemin, puisqu’elle continue à embaucher au rythme effréné de deux personnes par jour.
Ce bazar en ligne géant qui propose 50.000 produits, des vêtements aux téléphones en passant par de l’électroménager et même des cigares, est aujourd’hui le quatrième site nigérian le plus visité dans le pays, avec 100.000 visiteurs par jour.
Site de commerce électronique le plus visité, cet “Amazon nigérian” poursuit avec succès sa conquête du pays le plus peuplé d’Afrique.
“Je doute qu’il y ait beaucoup de marchés de ce type au monde, avec 160 millions d’habitants, une classe moyenne croissante et rien en termes de grande distribution”, s’enthousiasme Tunde Kehinde, le cofondateur de Jumia Nigeria.
Ce Nigérian de 29 ans au style décontracté a commencé sa carrière aux Etats-Unis avant de rentrer dans son pays natal pour créer son propre site de commerce électronique avec le Ghanéen Raphael Afaedor, 36 ans, qu’il a rencontré pendant ses études à la prestigieuse université américaine d’Harvard.
C’est ainsi qu’est né Jumia Nigeria, avec les financements de la compagnie allemande Rocket Internet et du groupe de télécom Millicom.
Véritable incubateur de start-ups à travers le monde –la compagnie dit avoir créé plus de 100 entreprises et 15.000 emplois dans plus de 40 pays– Rocket Internet a lancé Jumia au même moment au Maroc et en Egypte, ainsi qu’en Afrique du Sud où il porte un nom différent (Zando).
é de Jumia, le 12 juin 2013 à Lagos (Photo : Pius Utomi Ekpei) |
Aujourd’hui, Jumia s’attaque au Kenya avant de se lancer dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest francophone dans les prochains mois.
“En Afrique, on a un terrain où, à la fois, il y a très peu propositions de sites de e-commerce de qualité (…) et par ailleurs (…) la distribution traditionnelle, les magasins, les supermarchés, les commerces sont aussi très peu développés,” explique Jérémy Hodara, directeur général de Rocket Internet pour l’Afrique et la France.
Le marché nigérian est d’autant plus alléchant qu’internet y pénètre à vitesse grand V. Grâce à l’usage de plus en plus répandu des téléphones portables notamment (100 millions d’utilisateurs en 2012 selon les chiffres officiels), on estime que 46 millions de personnes, utilisaient l’internet en 2011, un chiffre en croissance constante puisqu’on ne comptait que 11 millions d’utilisateurs en 2008.
Si “l’opportunité est énorme” au Nigeria, “la mise en oeuvre est très complexe”, reconnaît M. Hodara.
Les pannes d’électricité s’étendent parfois sur plus de douze heures par jour et obligent les sociétés à investir dans d’énormes générateurs électriques très couteux.
Le prix de l’immobilier, notamment, engendre des coûts de fonctionnement qui ont dissuadé plus d’un entrepreneur de s’y installer.
ériane, le 12 juin 2013 à Lagos (Photo : Pius Utomi Ekpei) |
Autre obstacle de taille pour Jumia: les fraudes sur l’internet, particulièrement répandues au Nigeria, ont rendu les consommateurs frileux quant à l’achat en ligne.
Pour gagner la confiance de la clientèle, Jumia a mis en place le “cash-on-delivery”, un système de paiement à la livraison, en espèces ou par carte bleue.
Malgré les contraintes logistiques, la société s’engage à livrer dans tout le Nigeria, y compris les villages les plus reculés, en cinq jours maximum.
A Lagos, dans le quartier résidentiel cossu de Lekki, Dera Meka, une jeune mère au foyer, est excitée de recevoir son premier colis Jumia, une paire de chaussures commandées en ligne et payées en espèces à la livraison.
Mme Meka aurait pu trouver des chaussures dans une boutique de Lagos… Mais elle aurait eu moins de choix, et surtout elle aurait dû affronter les embouteillages monstrueux qui paralysent la mégalopole nigériane.
Au départ, le site visait surtout les plus fortunés, reconnaît M. Hodara. Mais “maintenant (Jumia) a fait un gros effort pour avoir un assortiment qui parle à tout le monde” en termes de prix.
Le marché nigérian a toutefois ses limites: le premier producteur pétrolier d’Afrique abrite une minorité de gens très fortunés, mais la majorité de la population subsiste avec moins de deux dollars par jour.
ésentant de la start-up nigériane Jumia, démarche des clients sur un marché de Lagos, le 12 juin 2013 (Photo : Pius Utomi Ekpei) |
Afin de séduire de nouveaux clients jusque dans les quartiers les plus populaires de Lagos, Jumia a mis en place une équipe d’une centaine de commerciaux, fraîchement diplômés, qui font du porte-à-porte, armés de tablettes numériques, pour faire découvrir le site et donner un visage humain à ce magasin virtuel.
A “Graceland”, la grande maison qui sert de siège à la société, dans un quartier chic de Lagos, Raphael et Tunde, les deux patrons, ne portent ni costume ni cravate et ils n’ont pas de bureau à eux. Ils partagent les vastes open-spaces avec leurs employés, très jeunes pour la plupart.
Jumia Nigeria ne fait pas encore de profit. Mais les patrons sont confiants. Et les chiffres sont encourageants: selon une étude publiée par le cabinet international Euromonitor, les ventes en ligne ont presque doublé au Nigeria en un an: De 1,7 milliards de nairas (7,9 millions d’euros) en 2011, elles sont passées à 3 milliards de nairas (presque 14 millions d’euros) en 2012.
Tunde et Raphaël, eux, continuent à voir les choses en grand: d’ici quelques semaines, ils pensent qu’ils auront franchi la barre des 500 employés au moment d’emménager sur un campus tout neuf de 9.000 mètres carrés.
“Ma plus grande inquiétude est de me demander à quel moment nous allons nous retrouver à l’étroit dans ce nouveau lieu”, confie M. Afaedor dans un sourire.