à ses heures perdues, consulte son portable le 11 juin 2013 dans une favela de Rio (Photo : YASUYOSHI CHIBA) |
[21/06/2013 07:14:50] Rio de Janeiro (AFP) Thiago Firmino remarque que les deux téléphériques qui desservent la favela à flanc de colline où il vit ne fonctionnent plus. Sans coup férir, il court les photographier avec son téléphone portable et envoie par Twitter une plainte au gouverneur de l’Etat de Rio de Janeiro.
Guide touristique et DJ à ses heures perdues, M. Firmino, 32 ans, est toujours le téléphone à la main. S’il y a un problème, il réclame. Ce qui lui donne tant de liberté, affirme-t-il, c’est son portable.
“Cela a été comme une petite révolution arrivée peu à peu”, raconte-t-il à l’AFP.
Grâce à son “smartphone” de dernière génération, il essaie de résoudre les problèmes de sa communauté: d’un trou dans la rue jusqu’à une coupure de courant, rien ne lui échappe.
Ces derniers jours, avec les manifestations massives dans tout le Brésil contre les coûts de l’organisation du Mondial-2014 et pour une amélioration des services publics, les mobiles sont devenus indispensables.
“On échange des SMS, on s’envoie des messages instantanés et on se coordonne pour les défilés. Je vais toujours aux manifestations avec mes deux téléphones chargés” pour pouvoir prendre des photos et les diffuser immédiatement par Twitter, explique-t-il.
Wi-fi dans la favela
ésiliens jouent au foot dans un parc avec le wifi, à Rio de Janeiro, le 11 juin 2013 (Photo : YASUYOSHI CHIBA) |
Santa Marta, la favela de Rio où vit M. Firmino, est enclavée dans la zone sud, la plus riche et touristique de la ville, et a été la première à être reprise par la police aux trafiquants de drogue, en 2008.
C’est également la première à avoir été équipée, dès 2011, de l’internet par wi-fi gratuit.
Une étude récente de l’institut d’enquête Ibope rapporte que le nombre de “smartphones” en circulation au Brésil a doublé en 2012: une moyenne de 30 appareils sont vendus chaque minute dans ce pays de 194 millions d’habitants grand comme 15 fois la France, selon le consultant LCA.
Mais la technologie ne fonctionne pas toujours bien, c’est pourquoi beaucoup d’habitants de Santa Marta ont pris l’habitude de se réunir le soir sur une place de la favela, où le signal wi-fi est plus fort.
Environ 73 millions de Brésiliens utilisaient Facebook en mars, six fois plus qu’un an plus tôt, selon l’entreprise.
Smartphone à crédit
“La nouvelle classe de consommateurs veut avoir accès à ce type de technologie, et l’habitant de la favela a désormais les crédits nécessaires pour faire ces achats”, analyse Luis Anavitarte, vice-président pour les études de marchés du consultant en technologie Gartner, évoquant les 40 millions de Brésiliens qui ont accédé aux classes moyennes au cours de la dernière décennie grâce aux programmes sociaux du gouvernement et à l’ouverture de l’accès aux crédits.
Le potentiel de consommation de produits technologiques liés aux portables est proportionnellement deux fois supérieur à celui de l’Inde, autre géant émergent, ajoute-t-il.
“En 2013, les dépenses des Brésiliens pour des produits technologiques devraient atteindre 123 milliards de dollars”, pronostique cet expert.
14% de la population – 27 millions de personnes – a un “smartphone”, selon une étude de Our Mobile Planet, réalisée pour l’entreprise Ipsos Media CT. En France, ils sont 25 millions.
Fin de la marginalisation
Jusqu’à il y a 15 ans, les favelas n’avaient pas le téléphone fixe, les lignes ne parvenant pas jusqu’aux collines où elles sont érigées, en plus d’être très chères, rappelle Sara Machado, 52 ans, habitante de la favela Chapeu Mangueira, située à quelques pas de la plage de Copacabana à Rio.
“Maintenant, nous sommes au courant de tout grâce à cet appareil”, se réjouit-elle, même si elle n’a pas encore acheté de “smartphone”. “Avec le téléphone que j’ai, je fais tout: j’appelle le moto-taxi, je parle avec mon fils”.
ée à quelques pas de la plage de Copacabana à Rio, téléphone le 11 juin 2013 (Photo : YASUYOSHI CHIBA) |
Les mobiles ont mis fin à la marginalisation des favelas, affirme à l’AFP Sivaldo Pereira, expert en culture contemporaine de l’Université fédérale d’Alagoas.
“La technologie favorise les échanges, déplace ce qui se passe dans ces communautés à d’autres parties de la ville”, estime-t-il.
D’après l’Agence nationale des télécommunications (Anatel), fin janvier, il y avait 262,2 millions de téléphones cellulaires en activité au Brésil, soit 133 appareils pour 100 habitants.
“Celui qui n’a pas de portable reste prisonnier sur les hauteurs de la colline, il ne voit pas l’horizon”, théorise Thiago Firmino.