La première semaine économique tunisienne en France a été une occasion d’approfondir, à Paris, le débat sur les moyens de résoudre les problèmes économiques et sociaux ayant été à l’origine de la révolution tunisienne.
«Un taux de chômage de 18%, qui grimpe à 30% pour les jeunes diplômés de l’université; 15% de la population vivant dans la pauvreté et 30% des travailleurs victimes de précarité puisqu’évoluant dans le secteur informel». Ces chiffres, rappelés par Mohamed Ennaceur, ancien ministre, lors du colloque sur “le nouveau modèle économique et social tunisien“, organisé mardi 18 juin 2013 à Paris (dans le cadre de la première semaine économique tunisienne en France) en disent long sur ce que le ministre tunisien des Finances, Elyès Fakhfakh, appelle «l’essoufflement du modèle économique et social tunisien», responsable «du déséquilibre régional et du chômage».
Alors que ce modèle défaillant était, paradoxalement, rappelle M. Ennaceur, vanté avant le 14 janvier 2011 par les organisations internationales –qui en soulignaient les performances (multiplication du PIB par deux en 30 ans, un taux de croissance de 4,5% sur plusieurs années, 80% de la population active bénéficiant de couverture sociale, etc.)-, la révolution tunisienne est venue «révéler une situation sociale absolument étonnante et effarante».
Il n’est de ce fait guère étonnant qu’on assiste depuis à une explosion des sentiments de «frustration, colère, impatience», parfois violente, et qu’en conséquence le «contrat social lui-même» soit mis à mal et que l’Etat «perde sa crédibilité».
Un constat partagé par Radhi Meddeb, patron de Comete Engineering et président de l’association Action Développement Solidaire (ADS), qui voit «trois exigences derrière la révolution tunisienne: plus de liberté, de meilleures conditions économiques et sociales et de plus grandes opportunités économiques». En conséquence de quoi, on peut estimer, avec le ministre des Finances, que «la réussite de la transition politique dépend de la réussite de la transition économique et sociale».
En trente mois, la Tunisie a fait «d’importants progrès en matière de satisfaction de l’exigence de liberté, de l’élaboration de la Constitution et de la mise sur pied de nouvelles institutions». Mais, «les choses n’ont pas suffisamment avancé sur le plan économique et social. La situation s’est même dégradée et la population qui s’impatiente réclame des réformes», observe Radhi Meddeb. D’où la nécessité «plus que jamais de réfléchir à un nouveau modèle économique et social». Ce que Mohamed Ennaceur a déjà fait.
Pour l’ancien ministre, un nouveau modèle économique et social devrait «garantir au Tunisien un revenu et une couverture sociale minimums», et favoriser «la solidarité entre générations» -pour «faire un effort, un sacrifice en faveur des jeunes» confrontés au chômage. Cet effort pourrait être financé, selon M. Ennaceur, par «une taxe à supporter par l’ensemble de la population» et par la réaffectation des ressources que dégagerait le recentrage des interventions de la Caisse de Compensation.
Enfin, pour que le nouveau modèle puisse fonctionner –«il doit gérer le présent mais également l’avenir», il faudrait, selon l’ancien ministre, que «l’Etat soit, tout en favorisant et respectant les règles du marché, le garant de l’ordre économique et social».