Chine : Pékin déterminé à endiguer la spéculation

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à Shanghai (Photo : Peter Parks)

[25/06/2013 13:49:58] Shanghai (AFP) La chute de la Bourse de Shanghai lundi et mardi, directement provoquée par le refus de Pékin d’injecter des liquidités dans le système bancaire, illustre la détermination du gouvernement chinois à resserrer le crédit pour endiguer la spéculation, quitte à freiner la croissance et doucher les attentes des actionnaires, selon les analystes.

Lundi, l’indice composite de la place de Shanghai avait dévissé de 5,30%, avant de perdre jusqu’à 5,79% en séance mardi puis de se reprendre sur fond de chasse aux bonnes affaires, finissant la séance sur une légère baisse de 0,19%.

En clôture, l’indice atteignait tout de même son plus bas niveau depuis le 16 janvier 2009, à 1.954,44 points.

“L’impact d’une liquidité insuffisante a été crucial et il est très rare de voir le marché chuter de plus de 5% deux jours consécutifs”, a déclaré à l’AFP Tao Jinggang, analyste chez Sinolink Securities.

Il a toutefois prédit que “dans un avenir proche, l’impact (du manque de liquidités) va sans doute s’atténuer alors que le marché sera davantage focalisé sur les perspectives de l’économie chinoise et les résultats des entreprises”.

La crise qui a éclaté la semaine dernière est la conséquence d’une récente envolée des taux à court terme sur le marché interbancaire, mettant en péril la capacité des banques à se financer et à accorder des prêts.

Ces taux avaient commencé à se tendre au moment de la fête des Bateaux-Dragons, le 12 juin, un phénomène habituel en période de jours fériés, mais ils n’étaient pas retombés après.

Le week-end dernier, l’agence officielle Chine nouvelle assurait que le problème n’était pas un manque de liquidités mais une affaire d’allocation de fonds, tandis que la Banque centrale jugeait lundi que les liquidités se situent à un “niveau approprié” dans le système bancaire chinois.

Pourtant, si la situation “perdure, cela pourrait conduire à un effondrement du crédit dans l’économie réelle, et à un ralentissement brutal”, selon une note de recherches de la banque ANZ.

“La Banque centrale a déjà puni les banques commerciales pour leurs excès passés. Il est temps qu’elle restaure la confiance dans le système financier chinois”, poursuit la banque australo-néo-zélandaise.

Les 170 millions d’actionnaires ne pourront en tous cas pas compter sur le gouvernement pour voler à leur secours, a mis en garde le Quotidien du Peuple.

“La Commission chinoise des opérations en Bourse (CSRC) n’est pas la nourrice du marché boursier, pas plus que ne l’est la Banque centrale”, a expliqué l’organe du Parti communiste.

L’institut d’émission a toutefois signalé mardi soir son intention d’intervenir au cas par cas.

Concernant “les institutions financières plutôt stables et saines” qui “soutiennent l’économie réelle”, “la banque centrale offrira une aide en liquidités” en cas de difficulté temporaire, selon un communiqué publié sur son site internet.

Le directeur adjoint de la succursale de Shanghai de la Banque centrale, Ling Tao, avait auparavant déclaré que l’institut d’émission allait “guider les taux d’intérêts de marché vers une fourchette raisonnable” tout en surveillant de près la liquidité du marché interbancaire, a rapporté l’agence financière Dow Jones.

Les observateurs ne croient pas à un scénario dans lequel Pékin prendrait le risque d’un effondrement du secteur financier.

“La Banque populaire de Chine (PBOC, banque centrale) dispose encore des instruments nécessaires pour contrer un effondrement à court terme de la liquidité, avant que cela provoque une crise bancaire”, estime Michael Pettis, qui enseigne la finance à l’Université de Pékin.

“La Chine n’est pas encore en crise, et d’après nous un atterrissage brutal va probablement être évité”, juge de son côté Andrew Peck, économiste de Bank of America – Merrill Lynch basé Hong Kong dans une note d’analyse.

Pour Zhang Zhiwei et Wendy Chen, de la banque japonaise Nomura, “le resserrement des liquidités est le premier vrai test économique des nouveaux dirigeants chinois pour montrer leur volonté de résoudre des questions économiques difficiles en agissant, au-delà des mots”.

L’équipe autour du nouveau Premier ministre Li Keqiang, arrivée au pouvoir en mars, a signalé sa volonté de poursuivre les réformes structurelles tout en freinant la progression des nouveaux prêts, qui avaient fortement augmenté depuis l’automne.

L’ouverture des vannes du crédit, risquée car elle augmente le danger des créances douteuses, n’a en effet pas permis comme par le passé de stimuler de façon durable la croissance, passée de 7,9% au quatrième trimestre 2012 à 7,7% au premier trimestre 2013. Récemment, le FMI, la Banque mondiale et les banques ont tous révisé à la baisse leurs perspectives de croissance pour la Chine.

Les économistes de Nomura comparent la politique des nouveaux dirigeants chinois à celle du principal responsable économique des années 1990, Zhu Rongji.

“Tsar” des réformes chinoises, Zhu avait strictement contrôlé la masse monétaire, parvenant à endiguer la spéculation sur le marché immobilier et à évaluer plus rigoureusement les projets d’infrastructures.

Autant de problèmes auxquels la Chine, entretemps devenue deuxième puissance mondiale, reste confrontée aujourd’hui.