Le rachat en novembre 2012 de 60% du capital d’Ennakl par un consortium composé de Poulina Group Holding et d’Amen Group en a surpris d’un. Non pas en raison de l’association de deux groupes parmi les plus importants en Tunisie –qui n’est d’ailleurs pas la première opération commune de ces deux mastodontes-, mais pour l’entrée de PGH dans le monde de l’automobile.
En effet, PGH, dont l’activité couvre un très large éventail de secteurs, n’avait jusque-là jamais envisagé, assurent des sources internes, de devenir concessionnaire automobile. Pour la simple raison que son président, Abdelwaheb Ben Ayed, y était catégoriquement opposé. Probablement parce qu’avant le 14 janvier 2011, la concession automobile était dominée par les proches et alliés de Ben Ali, PGH aurait risqué des frictions avec ces derniers s’il avait décidé d’y prendre pied.
Malgré le changement politique intervenu le 14 janvier 2011, Abdelwaheb Ben Ayed ne s’est pas laissé facilement convaincre. Et s’il a fini par changer d’avis sur cette question, c’est, outre les fortes pressions en ce sens de son entourage, mais parce que la proposition de postuler au rachat d’Ennakel est venue des dirigeants d’Amen Group avec lesquels M. Ben Ayed entretient d’étroites relations.
«Amen Group voulait depuis longtemps étendre l’activité de Parenin aux voitures utilitaires. Il s’est rappelé que PGH détenait quelques actions dans Ennakl et pouvait de ce fait l’aider à concrétiser ce rêve», note Ahmed El Karm.
Le rachat d’Ennakel n’est en fait qu’une nouvelle péripétie dans les relations de PGH et d’Amen Group. «Le rapprochement entre les deux groupes a débuté à la fin des années 90», se rappelle M. El Karm, président du directoire d’Amen Bank. C’est-à-dire au moment où PGH s’est attaqué à son projet le plus colossal de son histoire: la réalisation de Medina Mediterranea à Yasmine Hammamet.
«Homme novateur en avance sur son temps, Abdelwaheb Ben Ayed était à l’époque obnubilé par l’idée de recréer la Medina», se souvient Ahmed El Karm. Mais au début, la concrétisation s’avéra plus compliquée que prévu. Car les banques approchées rechignent à financer le projet -en raison de son originalité et de son coût, près de 200 millions de dinars- sauf une : Amen Bank.
Amen Bank a accepté de financer le projet de Medina parce qu’elle y a «vu une opportunité, ce qui s’est confirmé depuis, et une manière de commercialiser la Tunisie sur le plan touristique», explique le président de son directoire. Et «ce projet a contribué au rapprochement des deux groupes», confirme Abdelwaheb Ben Ayed.
Depuis, les partenariats entre les deux groupes se sont multipliés: création de Sicar Amen, entrée d’Amen Group au capital de Poulina Group Holding, prise de participation de plusieurs dirigeants de PGH dans le groupe partenaire et, enfin, rachat d’Ennakl.
Le rapprochement s’est donc petit-à-petit transformé en véritable alliance. Celle-ci a été favorisée par des cultures et des visions proches, pour ne pas dire identiques, «malgré des différences au niveau de l’organisation», analyse Ahmed El Karm. «Poulina Group Holding est centralisé. Toutes les fonctions sont gérées par la holding. Par contre, Amen Group est décentralisé. La holding n’arrête que la stratégie», note Ahmed El Karm. Ce qui n’a pas empêché le rapprochement entre ces deux poids lourds qui ont en commun le fait qu’ils croient «dans les opportunités et les possibilités de l’économie tunisienne», «une très forte organisation» et «une circulation transparente de l’information», souligne le président du directoire d’Amen Bank.
Abdelwaheb Ben Ayed voit dans le rapprochement avec d’autres groupes –PGH s’est également allié au groupe Bayahi pour racheter Magasin Général- «une nécessité stratégique. Ces alliances visaient à élargir et à consolider notre assise». Car PGH avait subi ce que son président appelle «l’agressivité de l’environnement» -un euphémisme par lequel le président de PGH désigne les pressions subies sous Ben Ali pour l’obliger à ouvrir son capital à l’entourage de l’ancien président, et face à quoi PGH a résisté fortement et a réussi à préserver son capital intact en mettant ses activités à l’abri de l’intrusion de l’entourage du président déchu.