Calvados : dans la “vallée de la mort”, Honeywell ferme, l’amiante demeure

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é-sur-Noireau (Calvados), le 21 juin 2012 (Photo : Charly Triballeau)

[28/06/2013 11:35:46] Caen (AFP) La fermeture officielle dimanche de l’usine Honeywell de Condé-sur-Noireau (Calvados) laisse plus de 270 salariés sans emploi, parfois malades de l’amiante, dans ce coin de Suisse normande surnommé la “vallée de la mort”, où la fibre a tué des milliers de personnes le long d’un chapelet de sites industriels aujourd’hui à l’abandon.

“C’est la dernière des ex-usines Valeo-Ferodo de la vallée où jusqu’à 2.500 personnes ont travaillé l’amiante dans les années 1970, qui ferme. Mais les gens continuent à mourir de l’amiante”, relève François Martin président de l’association des victimes de l’amiante (Aldeva) de Flers-Condé.

L’usine de plaquette de freins où Honeywell emploie 325 personnes, ferme officiellement dimanche 30 juin.

Le géant américain, qui mise sur une hausse de son bénéfice par action en 2013, avait annoncé dès 2011 ce que le maire UMP de Condé considère comme une délocalisation. Seule une cinquantaine d’anciens de l’usine ont retrouvé du travail, selon FO.

“Les employeurs se méfient des gens qui viennent d’Honeywell. Ils ont peur qu’on tombe malade”, pense Bruno Durand, reconnu malade de l’amiante à 5%, bientôt ex-salarié de l’usine comme son épouse. Son père, ancien de Valeo, atteint de deux cancers, est dépendant de bouteilles d’oxygènes depuis deux ans.

A Condé, comme ailleurs en France, on ne travaille plus l’amiante depuis son interdiction en 1997.

Mais toutes les familles sont touchées par ces maladies qui mettent des années à se déclarer. Plusieurs responsables du site lorsqu’il appartenait encore à Valeo-Ferodo ont été mis en examen pour homicide involontaire.

Honeywell à qui le site appartient depuis 1999 n’est pas visé par la procédure.

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é-sur-Noireau (Photo : Charly Triballeau)

Mais un député PRG et plusieurs élus PS et UMP ont demandé, pour l’heure en vain, au gouvernement de reconnaître l’exposition des salariés du site à l’amiante au delà de 1997. Car selon eux l’usine n’a jamais été vraiment décontaminée.

“Il va falloir dépolluer”

En 2012, l’inspection du travail a d’ailleurs mis en demeure Honeywell à ce sujet.

Une reconnaissance de l’exposition des salariés à l’amiante jusqu’à aujourd’hui leur permettrait à tous d’avancer leur départ à la retraite, de souvent plusieurs années. Un tiers d’entre eux sont arrivés après 1996. Selon FO, 17 sont reconnus malades aujourd’hui dont certains arrivés après cette date. Un salarié “amianté” meurt en moyenne 15 ans avant les autres, selon Me Michel Ledoux, un avocat spécialisé dans les procédures d’amiante.

Dans la “vallée de la mort”, passée du tissage du coton à celui de l’amiante à la fin du XIXe, près de 5.000 personnes sont mortes de la fibre résistante au feu et aux frottements reconnue cancérogène par le Parlement européen en 1978 selon M. Martin. “Entre les deux guerres, la vallée était blanche du 1er janvier au 31 décembre”, à cause de l’amiante, raconte-t-il.

Et en 15 ans 1.500 personnes ont obtenu la condamnation pour faute inexcusable de leur employeur dans cette vallée de 25 km, selon l’Aldeva.

“Une page se tourne mais l’histoire ne s’arrête pas là. Il va falloir dépolluer ces sites” relève Didier Payen de la CGT de Condé. Sur la dizaine d’usines que possédait Valeo-Ferodo dans la vallée, “au moins la moitié” sont à l’abandon avec de l’amiante, selon M. Martin et un élu.

Honeywell, qui dément avoir exposé les salariés, promet de remettre le site en état avant 2015. Selon un élu, la fermeture coûte à la société 100 millions d’euros dont 12 à 15 millions de dépollution.

A quelques encablures de Condé à Caligny, Valeo vient d’accepter de retirer l’amiante d’un site fermé en 1957 et qui par grands vents lâche encore de l’amiante sur les maisons environnantes, selon les élus locaux.

Selon Yves Goasdoué député (app PS) de Flers, “nos anciens en ont enterré partout dans le bocage”.

Pour réindustrialiser le site, Honeywell et élus locaux envisagent l’implantation d’entreprises de désamiantage. Une piste très embryonnaire qui est loin d’enthousiasmer Thierry Lecendre salarié CFDT de l’usine. “On en a déjà pas mal soupé de l’amiante”, commente-t-il rappelant qu’une étude de l’INRS a semé le doute en 2011 sur la sécurité des ouvriers de ce secteur.